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2283. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Les héros mettent leur point d’honneur à refuser d’appeler à leur aide. […] C’est à qui le mettra en scène et lui prêtera de nouvelles prouesses. […] Le roman de Rabelais, si l’on en croit La Bruyère, n’est-il pas par endroits « le charme de la canaille » et par d’autres « le mets des plus délicats » ? […] Tel discours politique a renouvelé ces miracles de l’éloquence ; telle proclamation affichée, en un jour de crise et de danger public, a mis en fermentation tout un peuple. […] Pour les œuvres qui s’attachent à peindre la réalité sans essayer de la transformer, qui mettent leur point d’honneur à ne pas trahir les préférences de l’auteur, qui s’efforcent de reproduire impartialement le spectacle du monde environnant, pour les œuvres réalistes, en un mot, il semble d’abord qu’elles soient, pour ainsi parler, amorales et, par conséquent, incapables d’exercer un genre d’action qu’elle ne recherchent pas, qu’elles font même profession de s’interdire.

2284. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Sehopenhauër, avec le symbolisme de son Génie de l’Espècea mis en scène d’une façon éclatante un de ces pièges tendus par la finalité au désir humain. […] Ce que l’on se propose de mettre ici en lumière, c’est la déviation subie par l’instinct métaphysique à mesure qu’il s’exerce avec plus de force et de perfection. […] En même temps, si l’on se place au point de vue de la beauté logique, de la richesse et de l’harmonie des systèmes, il est manifeste que l’on ne saurait mettre en comparaison les fables primitives, les premiers balbutiements de l’esprit avec les théorèmes d’un Spinoza, les constructions idéologiques d’un Hegel, les hypothèses d’un Schopenhauër, d’un Nietzsche ou d’un Guyau. […] Cet intérêt de la foule, en déterminant des concours pécuniaires, on contraignant l’État à s’ingérer, mettent la science en possession de l’outillage dont elle a besoin. […] On en peut dire autant de toutes les merveilleuses substances qui mettent fin à nos souffrances et à nos maladies passagères, dont on ne connaît que l’action immédiate et que l’on ingère pourtant sans hésitation sur l’avis des thérapeutes.

2285. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Je ne veux pas tomber dans l’erreur de mettre en système leurs élans, leurs aspirations, et de durcir hâtivement ce qui est libre, naissant, flexible. […] Un soir qu’arrivés trop tard, le petit instituteur et moi, nous n’avions plus trouvé de place sous les baraquements, nous nous sommes étendus côte à côte au pied d’un grand hêtre, et presque tout de suite la pluie s’est mise à chanter sous les feuilles. […] Je copie de telles pages, je m’attache à la respiration de ces jeunes héros, je ne mets pas d’autre ordre dans leurs pensées que la ligne d’ascension de mon admiration.‌ […] Chez Rival et chez tous ses frères n’apparaît jamais aucun souci de la gloire : nul désir que de bien faire ; ils exhalent leur parfum intérieur, sans aucun souci de l’effet à produire, mais ils forment la parure de la France et nous les mettons en vue, non pour eux, que l’on ne peut payer, mais pour la gloire de la France.‌ […] Et il se mit à secouer les trois médailles qui pendaient sur sa poitrine au bout d’un ruban tricolore.

2286. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

En formulant ainsi la croyance de l’humanité, nous y mettons peut-être plus de précision qu’il ne convient. […] Durée implique donc conscience ; et nous mettons de la conscience au fond des choses par cela même que nous leur attribuons un temps qui dure. Que d’ailleurs nous le laissions en nous ou que nous le mettions hors de nous, le temps qui dure n’est pas mesurable. […] Nous n’avons pas ici à la discuter, encore moins à en mettre une autre à la place. […] Or, impossible d’en spatialiser par la pensée une partie seulement : l’acte, une fois commencé, par lequel nous déroulons le passé et abolissons ainsi la succession réelle nous entraîne à un déroulement total du temps ; fatalement alors nous sommes amenés à mettre sur le compte de l’imperfection humaine notre ignorance d’un avenir qui serait présent et à tenir la durée pour une pure négation, une « privation d’éternité ».

2287. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Liberté… égalité : voilà le terrible problème qui réduit à l’anarchie et met aux abois votre prétendue société. […] Et si vous ne pouvez pas lui donner la raison de son esclavage et de votre liberté, de son malheur et de votre prospérité, il a le droit de se mettre à votre place et de vous mettre à la sienne ; en termes consacrés, l’insurrection devient un droit. […] pourquoi les pauvres ne se mettraient-ils pas à la place des riches ? […] Donc, au lieu de souffrir, il faut mettre dans la formule jouir. […] L’homme, dit le mythe juif, mit la main sur l’arbre de la connaissance, et il perdit le paradis.

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