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932. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Il doit indiquer l’esprit général d’un temps d’après tout ce qu’il sait d’histoire proprement dite ; l’esprit littéraire et artistique d’un temps, ce qui est déjà un peu différent, d’après tout ce qu’il sait d’histoire littéraire et de l’histoire même de l’art ; mesurer, ce qui du reste est impossible, mais c’est pour cela que c’est intéressant, les influences qui ont pu agir sur un auteur ; s’inquiéter de la formation de son esprit d’après les lectures qu’on peut savoir qu’il a faites, d’après sa correspondance, d’après les rapports que ses contemporains ont faits de lui ; s’enquérir des circonstances générales, nationales, locales, domestiques, personnelles dans lesquelles il a écrit tel de ses ouvrages et puis tel autre ; chercher, ce qui est encore une manière de le définir, l’influence que lui-même a exercée et c’est-à-dire à qui il a plu, les répulsions qu’il a excitées et c’est-à-dire à qui il a déplu. […] Corneille a-t-il excitées en vous, de quelle manière votre âme a-t-elle réagi, délicieusement ou douloureusement, ou faiblement, à rencontrer la sienne ; qu’est devenue votre sensibilité dans le commerce ou au contact de M.  […] Il a fallu insister sur ce point, parce qu’il n’y a pas si longtemps qu’on a compris la grande différence qu’il y a entre l’historien littéraire et le critique ; parce que, jusqu’aux dernières années du dernier siècle, les historiens littéraires croyaient avoir mission de critique et réciproquement ; parce que telle histoire de la littérature française, celle de Nisard, est tout entière œuvre de critique et comme histoire littéraire n’existe pas, de telle sorte que l’auteur n’a rien fait de ce qu’il devait faire et a fait tout le temps, et du reste d’une manière admirable, ce qu’il devait ne pas faire du tout ; si bien encore que son livre, absolument manqué comme histoire littéraire, reste tout entier debout comme recueil de morceaux de critique.

933. (1761) Apologie de l’étude

Le parti le plus raisonnable serait peut-être de comparer les sciences aux aliments qui, également nécessaires à tous les peuples et à tous les hommes, ne leur conviennent pourtant ni au même degré ni de la même manière. […] Vous vous plaignez des critiques ; mais savez-vous que se faire imprimer, est une manière tacite et modeste d’annoncer aux autres hommes, souvent très mal à propos, qu’on croit avoir plus d’esprit qu’eux ; et deviez-vous vous flatter de ne point essuyer là-dessus de contradiction ? […] Peut-être oserai-je l’entretenir dans un autre moment de la suite de cette conversation ; aujourd’hui je craindrais trop de le fatiguer en le justifiant, même contre des imputations graves et peu respectueuses ; la manière la plus criante de lui manquer de respect est de l’ennuyer et c’est pour cela que je finis.

934. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Car je tiens qu’il n’en avait besoin d’aucune manière. […] Ce succès y éclata comme une fusée, dès les premiers mots qu’il y écrivit, en cette pétulante et éblouissante manière qui se révélait, et qui trancha, comme un joyeux et brillant arc-en-ciel, sur la manière correcte et sévère de Geoffroy.

935. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

telle est, sans rien exagérer, la manière actuelle de faire un livre de voyage. […] Excepté les hommes qui ont besoin de consulter des catalogues de musée, qui achèvera ce livre vide et prétentieux, où l’auteur, du moins, n’a pas perdu de talent, car il n’en a pas mis, et où, comme dans le livre de Fromentin, qui, si lâché qu’il soit, a de l’accent, on ne retrouve pas ce timbre personnel qu’on ne peut confondre avec la manière de dire de personne ? […] On y discute des manières de peintre et des sujets de tableau ; on y trouve du respect pour Rembrandt, sentiment honorable, mais insuffisant pour parler dignement de ce grand homme.

936. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il est évident que ce Capanée ne mourra foudroyé d’aucune manière et il y compte bien, allez ! […] Je ne sais pas une plus sotte manière de montrer un livre que de le feuilleter dans le vent de paroles d’un compte rendu. […] Ce Charles de Sivry est une manière de grand artiste en voyage qui ne se serait jamais déplacé. […] Mais on trouve surtout du Victor Hugo et, pour celui-là, l’imitation est une manière de miracle et va jusqu’à l’identité absolue. […] Tout au plus arrive-t-on à dire ses vers en imitant, comme on peut, son étonnante manière.

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