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685. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Ils sont laids, mal faits, pesants, ayant la peau rude et le teint coloré. […] L’indicible ennui que ces retardements me causaient ne venait pas tant de ce qu’ils me tenaient en des dangers et en des maux continuels, que de ce qu’ils semblaient me menacer de n’en sortir jamais. […] Les deux pendants d’oreilles, qu’elle me fit voir aussi, sont deux rubis balais, cabochons, mal formés, mais nets et de bonne couleur, qui pèsent deux gros et demi chacun. […] Le roi le regarda, et tous ces autres Européens, avec une grande envie de rire de leur voir porter si mal l’habit persan. En effet, on ne pouvait s’empêcher d’en rire, tant cet habit leur allait mal et les défigurait.

686. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Elle chantait mal, mais c’était la voix des frontières ; la voix de Béranger était le cri de Waterloo. […] De l’univers observant la machine, J’y vois du mal, et n’aime que le bien. […] tous mes maux sont oubliés. […] Cette royauté, mal conçue elle-même, avorta en effet, le 24 février, sous une secousse qui n’aurait pas déraciné un hysope. […] Vous me voulez du mal aujourd’hui de contrister votre amour-propre déplacé, vous m’en voudriez bien davantage dans dix ans de l’avoir encouragé.

687. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il semble que leur fécondité soit épuisée, sauf pour le mal. […] Le mal n’est pas qu’il aime les formes curieuses et parfaites ; mais il les estime seulement selon l’effort et contorsion d’esprit qu’elles nécessitent. […] Il écrit encore en latin scolastique, et cite abondamment Ovide : mais déjà le trio de ses auteurs favoris, de ses idoles, c’est Cicéron, Virgile et Térence : déjà sa culture est toute païenne, et jusque dans une lettre au pape sur les maux de l’Église, il ne trouve à citer que Térence, au grand scandale du pieux Gerson. […] Mais c’est encore bien du mal pour un pauvre curé, un simple moine, que de diviser et dilater lui-même son sermon, même secundum foniinm syllogisticam. […] Cependant à la fin du xive  siècle les maux de l’Église et du royaume ranimèrent l’éloquence religieuse : plus d’une fois les émotions et les haines amassées dans les cœurs firent craquer les mailles serrées du raisonnement scolastique.

688. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Mercredi 23 janvier Flaubert dit que toute la descendance de Rousseau, tous les romantiques n’ont pas une conscience bien nette du bien et du mal, et il cite Chateaubriand, Mme Sand, Sainte-Beuve, finissant par laisser tomber de ses lèvres, après un moment de réflexion : « Et c’est vrai que Renan n’a pas l’indignation de l’injuste !  […] Il se plaignait de n’être pas obéi, et il disait que Ricasoli, qu’il avait mandé, se refusait à venir, sous le prétexte d’un mal de pied, et que Cialdini voulait aller en avant… Comme je l’interrompais, lui disant qu’il n’avait qu’à donner des ordres. […] Hier, à dîner chez la princesse, je me suis trouvé mal à plat : une syncope complète. […] Mais je crains que mon cœur ne fasse plus qu’assez mal son service. […] La vieille femme a d’abord parlé de son mari malade, disant que depuis trois mois elle couchait sur le paillasson, et que lui, ne voulait pas aller à la consultation, parce que les médecins ne lui ôteraient pas le mal qu’il avait dans le corps, — et se courbant, et imitant une toux au plus profond de l’être, elle a ajouté : « C’est comme cela toute la nuit !

689. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il établit bien d’abord qu’il n’aspire point à améliorer la condition de l’homme ou la morale de la vie ; il estime que chacun a en soi, c’est-à-dire dans son tempérament, les principes du bien et du mal qu’il fait, et que les conseils de la philosophie servent de peu : « Celui-là seul est capable d’en profiter, dit-il, dont les dispositions se trouvent heureusement conformes à ces préceptes ; et l’homme qui a des dispositions contraires agit contre la raison avec plus de plaisir que l’autre n’en a de lui obéir. » Ce qu’il veut faire, c’est donc de présenter un tableau de la vie telle qu’elle est, telle qu’il l’a vue et observée : « Tous les livres ne sont que trop pleins d’idées ; il est question de présenter des objets réels, où chacun puisse se reconnaître et reconnaître les autres. » Les premiers chapitres des Mémoires de La Fare, et qui semblent ne s’y rattacher qu’à peine, tant il prend les choses de loin et dans leurs principes, sont toute sa philosophie et sa théorie physique et morale. […] La Fare cite à ce sujet un mot de M. de La Rochefoucauld qui avait été l’un des principaux acteurs de cette dernière guerre civile, et qui lui disait : « Il est impossible qu’un homme qui en a tâté comme moi veuille jamais s’y remettre. » La Fare en conclut que l’histoire est un va-et-vient, un jeu de bascule perpétuel ; que l’abus qu’on fait d’un des éléments pousse à l’élément contraire, jusqu’à ce qu’on en abuse comme on avait fait du premier ; que « l’idée des peines et des maux venant à s’effacer peu à peu de la mémoire des hommes, et frappant peu l’esprit de ceux qui ne les ont point éprouvés, les mêmes passions et les mêmes occasions rengagent les hommes dans les mêmes inconvénients ». […] et n’est-ce pas le cas d’appliquer ici le mot de Vauvenargues : « La plus fausse de toutes les philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes. » La Fare nous explique d’ailleurs qu’il ne s’agit point d’une paix sobre et recueillie comme l’entendraient certains philosophes ; la sienne était remplie de gaieté, de gros jeu, de festins, de beautés d’opéra, et ne ressemblait pas mal à une ode bachique continuelle. […] N’usons point tant de périphrases ; ne nous laissons point abuser par quelques jolis vers galants de La Fare à Mme de Caylus, qui nous donneraient le change sur son train de vie, et osons montrer le mal final tel qu’il n’y a pas lieu de le déguiser.

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