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976. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

En disant par exemple : « Ce vieillard noble et majestueux, son teint frais et vermeil, … sa démarche douce et légère, les prés fleuris, ses fougueux désirs, la sombre demeure de Pluton, … les mains glacées de la mort », etc., Fénelon aurait expressément voulu signifier ceci : Ce vieillard était noble et majestueux et non pas sordide et vulgaire ; ce teint était frais et vermeil, et non pas fané et pâle ; la demeure de Pluton est sombre, et non pas claire ; sa démarche est douce et légère, et non pas insolente et lourde, Quand il dit : « Ce secret s’échappa du fond de son cœur », ce serait pour donner plus de force que s’il eût dit : « Ce secret s’échappa de son cœur », Quand il remplace « troupeaux » par « tendres agneaux », c’est pour mieux accentuer l’innocence des victimes ; quand il dit : « Comme un serpent sous les fleurs », c’est pour peindre l’astuce et le danger, et lorsqu’il répète six fois par page (voir nos citations) le mot doux, c’est probablement encore pour souligner l’idée de douceur.‌ […] On ne trouve rien à répondre, et la plume vous tombe des mains. » Ce dédain voudrait avoir grand air ; il n’est que puéril. […] Qu’un critique ne sache rien de tout cela, c’est ce qui me confond, et j’avoue, en effet, « qu’on croit rêver en lisant de pareilles choses » et que « la plume vous tombe des mains ».‌

977. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

ou si on y touchait, ce serait pour lui baiser la main, signe d’hommage ! […] Lord Byron, à lui seul, vaut tous les poëtes et les philosophes allemands que Mme de Staël a jaugés d’une main trop protectrice et trop caressante dans ce livre de l’Allemagne, où il n’y a que ce qui n’est pas l’Allemagne qui soit beau ! […] Avec un sans-façon charmant et une admiration presque impertinente de familiarité, l’auteur de Robert Emmet met sa petite main blanche sur cet effrayant sujet de lord Byron que lui a laissé sa grand’mère, mais sans le lui léguer. « J’ai toujours eu un faible pour lord Byron », dit-elle dans son livre.

978. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

À Venise, l’impassible gueule du lion de bronze recevait aussi bien la dénonciation fausse ou troublée du goujat que le renseignement le plus vrai, tombé des mains les plus élevées et les plus pures de la République. […] C’est un de ces hommes qui ont commis des crimes en histoire avec les mains de la vertu, mais, du moins, c’est une âme dans sa haine, c’est une tierté dans son orgueil, c’est une intelligence respectueuse pour toutes les grandes croyances sociales, et, au milieu de tout cela, c’est un artiste de génie qui ne se regarde pas faire et qui fait des merveilles, sans se douter de l’éclat qu’elles jettent et de leur incomparable beauté ! […] Il est le père de cet Enfant Prodigue qui a vécu parmi les pourceaux, et qui, plus mauvais que le fils prodigue des Saintes Écritures, ne reviendra jamais à la maison paternelle, car il l’a détruite de ses propres mains.

979. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

« Il avait découvert — dit Mirabeau avec cette cruelle ironie qu’ont parfois entre eux tous ces voluptueux sans pitié — une maladie pour laquelle les médecins lui devaient des remerciements, car on la croyait tout à fait perdue. » Mais il avait sur le cœur une bien autre lèpre, et ce fût celle-là qui le poussa à cet horrible suicide de dix-huit coups de rasoir, dont sa main enragée se hacha le cou… Quant à sa gloire, elle est légère. […] Le christianisme pourrait, par l’enseignement, si on voulait écouter sa voix, recommencer de faire aux bâtards le bien qu’il leur fit un jour quand, par les mains de saint Vincent de Paul, il les ramassa dans la fange où ils allaient mourir. Mais les enfants, dociles par faiblesse, ne résistaient pas aux mains lumineuses qui les prirent et les essuyèrent.

980. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Et l’on ne doit plus s’étonner que les détails de ces soixante années prodigieuses, l’auteur des Soixante ans croie — comme cet enfant qui s’imaginait faire tenir l’océan dans une coquille d’huître  — les mettre dans le creux de sa main, en en oubliant la moitié ! […] Ils buvaient, le glaive en main, et l’éclat sinistre du fer se mêlait à celui des cristaux. […] La reine, légère, belle, imposante comme une divinité mythologique, le suit, tenant son fils par la main.

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