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882. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

C’est même la peur de la perdre, et de ne retrouver ni la curiosité des choses de la science, ni le goût du monde, c’est l’horreur de ce vide qui fut la passion d’une partie de sa vie ; voilà le précipice qu’il avait sous les yeux, et au bord duquel il se tint comme accroché avec ses mains sanglantes, quelquefois affaibli, jamais épuisé. […] Il remettait entre les mains de ce saint homme au cœur tout frémissant encore des passions vaincues de la veille ; et c’est peut-être sous l’impression des premières douceurs que la parole de M. de Sacy avait fait couler dans son âme, qu’il écrivait sur un parchemin, en manière de mémorial, ces mots si pathétiques : « Joie, joie, pleurs de joie ! […] C’est pour cela que les Pensées de Pascal ont toujours été en plus de mains que les écrits de Descartes. […] Noble exemple, dans ce monde où tant d’habiles gens, qui n’ont rien à donner, invitent néanmoins les autres à les aimer, afin de les avoir plus sous la main pour le service de leur fortune ! […] Tout Pascal se découvre dans cette magnifique apostrophe à ses adversaires : « Vous vous sentez frappés par une main invisible ; vous essayez en vain de m’attaquer en la personne de ceux auxquels vous me croyez uni.

883. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

… et tous ceux qui ont mis la main à cet ouvrage ne mettent pas la main à l’épée pour le défendre ! […] Dans une audience qu’il a du pape (Clément XIII), audience qu’il n’est pas empressé de rechercher, mais à laquelle il croirait peu séant de se soustraire puisque tous les Français connus se faisaient présenter, à la fin de l’entretien qui dure une demi-heure, il reçoit en cadeau de Sa Sainteté un chapelet et l’en remercie en lui baisant un peu brusquement la main, familiarité qui fait sourire les assistants, car c’est un privilège qui est réservé aux seuls cardinaux. […] [1re éd.] et il justifie, plume en main, l’axiome de son temps qu’il professe avec Condillac

884. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

En même temps Henri III écrivait de sa main une lettre au président Jeannin à Dijon, par laquelle il lui faisait la même déclaration à l’endroit du duc de Mayenne, et lui recommandait de ne point l’abandonner en cette crise, mais de lui donner le conseil de se contenir dans le devoir et d’agréer la satisfaction offerte. […] Henri III ne laissa pas cependant de continuer sous main les mêmes offres à Mayenne. […] Il faut tout dire : le président Jeannin n’est pas pendant la Ligue le serviteur sous main et l’homme de Henri IV, il est l’homme du duc de Mayenne. […] Le président Jeannin fut du parti de Henri IV ce jour-là ; il s’opposa à ce que l’héritage national dépérît entre les mains qui l’avaient en tutelle : de même qu’il s’était mis autrefois en travers de la Saint-Barthélemy, il fit obstacle cette fois au démembrement de la France.

885. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Celui dont elles ont jugé la sensibilité et les connaissances proportionnées à leur tempérament et à leur caractère ; celui auquel elles ont révélé les secrets d’une constitution faible et délicate ; celui qu’elles ont en même temps chargé de la conservation de leurs enfants, et des mains duquel elles les ont reçus, est devenu pour ainsi dire nécessaire à leur existence ; le perdre est un malheur qu’elles ressentent vivement : que l’on juge d’après cette réflexion des regrets que la mort de M.  […] La corvée retombait donc sur moi, et je me rendis au Louvre… La terreur de Vicq d’Azyr nous est encore mieux attestée par une pièce authentique qui est de sa main et dont je dois communication à M.  […] Il adressa donc, soit à la Convention, soit aux membres du Comité de salut public, une lettre dont il existe quantité de brouillons de sa main ; aucune rédaction ne lui paraissait assez républicaine, assez emphatique, et à la hauteur, comme on disait, des circonstances. […] Semblable à ce météore terrible qui, formé de mille courants divers, menace du haut de la nue les sommets escarpés et semble être destiné par la nature à maintenir l’égalité physique sur le globe, la foudre révolutionnaire qui est en vos mains, et que dirige habilement votre génie, continuera de renverser les trônes, fera tomber les têtes superbes qui voudraient s’élever au-dessus du niveau que vous avez tracé ; elle établira l’égalité politique et (l’égalité) morale, qui sont les bases de notre liberté sainte… Voilà jusqu’où l’exaltation de la peur et l’espoir de se faire pardonner de Couthon, Saint-Just et consorts, pouvaient conduire le ci-devant médecin de la reine, un écrivain académique élégant.

886. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il ne fut tout à fait dictateur qu’en février, et pour un mois seulement, durant lequel la seigneurie remit entre ses mains tous les pouvoirs. […] De plus, il avait encore deux petits flacons de ce vin grec que le marquis de Marignan lui avait laissé parvenir : Je m’en frottai un peu les mains, puis m’en lavai fort le visage, jusques à ce qu’il eût pris un peu de couleur rouge, et en bus, avec un petit morceau de pain, trois doigts, puis me regardai au miroir. […] Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent. […] Le bâton de maréchal, que Henri III lui mit en main à Lyon à son retour de Pologne (1574), ne fut qu’une récompense des services passés : Montluc, estropié et âgé de plus de soixante-dix ans, était hors d’état d’en rendre de nouveaux.

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