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1613. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Colbert entrait dans son cabinet, on le voyait se mettre au travail avec un air content et en se frottant les mains de joie, mais que depuis il ne se mettait guère sur son siège pour travailler qu’avec un air chagrin et même en soupirant. […] Mais ce n’était là qu’une théorie qui restait stérile entre leurs mains, et qui ne pouvait devenir florissante et vivante qu’à l’aide du génie d’un Milton ou de l’art d’un Chateaubriand. […] Voici en ce sens quelques vers qui ne me semblent nullement méprisables : À former les esprits comme à former les corps, La Nature en tous temps fait les mêmes efforts ; Son Être est immuable, et cette force aisée Dont elle produit tout ne s’est point épuisée : Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons N’eut le front couronné de plus brillants rayons ; Jamais dans le printemps les roses empourprées, D’un plus vif incarnat ne furent colorées : Non moins blanc qu’autrefois brille dans nos jardins L’éblouissant émail des lis et des jasmins, Et dans le siècle d’or la tendre Philomèle, Qui charmait nos aïeux de sa chanson nouvelle, N’avait rien de plus doux que celle dont la voix Réveille les échos qui dorment dans nos bois : De cette même main les forces infinies Produisent en tout temps de semblables génies.

1614. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

En tenant dans mes mains ces volumes de forme et d’inspirations différentes, mais auxquels un vœu égal a présidé, et dont pourtant un si petit nombre surnage, même un seul instant, j’éprouve un sentiment douloureux de voir tant de peines, tant de soins et de temps perdus autour de chaque œuvre si couvée et si caressée, et qui est déjà tombée du sein paternel dans un monde d’indifférence. […] Elle lui offrit sa main. […] Le chevreuil, il nous le peint d’un trait net et bien venu : Dans un bois du canton pris dès son plus jeune âge, Il était familier, bien qu’au fond tout sauvage : Aux heures des repas, gentiment dans la main Il s’en venait manger et des fruits et du pain.

1615. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

— « Citoyen… » — « Mais asseyez-vous donc, messieurs », reprend Carrel en montrant de la main des sièges, et il force, par ce simple accueil, ses interlocuteurs à changer de ton et à se rapprocher du sien. […] Ses mains auront chargé les armes sans qu’il leur commandât presque, et, pendant ce temps, il appelait ses amis, sa mère, quelque objet d’affection plus cher encore, au secours de son âme défaillante. […] Il a cherché un reste de force et d’attention pour ne se pas manquer, et sa main a été sûre… Certes, si jamais une lecture peut dégoûter du suicide une âme mâle et ferme, c’est la lecture de cet article de Carrel.

1616. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Il est l’ouvrage d’une main habile, qui a su mettre dans sa physionomie ce mélange de douceur, de simplicité, de bonhomie et de grandeur qui rendait, pour ainsi dire, visible l’âme de cet homme rare. […] Mme de Choiseul, aidée cette fois de Mme de Grammont pour complice, trouve le moyen d’avoir la clef pendant son absence, et le cabinet philosophique, décoré, comme par un coup de baguette, de toutes sortes de jolis meubles ou même d’ouvrages de leurs mains, est métamorphosé à l’instant en un boudoir enchanté. […] En soixante années de pratique, il lui avait passé plus de quatre cent mille médailles entre les mains.

1617. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Je tombai sur ces vers puissants et sereins4 : — « La religion n’est pas de se tourner sans cesse vers la pierre voilée, ni de s’approcher de tous les autels, ni de se jeter à terre prosterné, ni de lever les mains devant les demeures des dieux, ni d’arroser les temples de beaucoup de sang des bêtes, ni d’accumuler les vœux sur les vœux, mais de tout regarder avec une âme tranquille. » — Je m’arrêtai pensif, puis je me remis à lire. Quelques instants après, je ne voyais plus rien, je n’entendais plus rien, j’étais submergé dans le poëte ; à l’heure du dîner, je fis signe de la tête que je n’avais pas faim, et le soir, quand le soleil se coucha et quand les troupeaux rentrèrent à l’étable, j’étais encore à la même place, lisant le livre immense ; et à côté de moi, mon père en cheveux blancs, assis sur le seuil de la salle basse où son épée pendait à un clou, indulgent pour ma lecture prolongée, appelait doucement les moutons qui venaient l’un après l’autre manger une poignée de sel dans le creux de sa main. […] D’où sort la main de Shakespeare ?

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