J’ai vu des savants positifs, des observateurs de mérite, mais d’un horizon un peu restreint et rabaissé, qui, lorsqu’ils étaient interrogés sur Buffon, répondaient à peine ; et l’un d’eux me dit un jour : « Il y a encore Bernardin de Saint-Pierre qui a fait de beaux tableaux dans ce genre-là. » Évidemment ces savants de métier, ne trouvant pas chez Buffon le détail précis d’observation qu’ils prisent avant tout, y voyant du général ou du vague (ce qu’ils confondent), y ayant noté des erreurs, n’appréciant point d’ailleurs l’élévation et la nouveauté première de quelques-unes de ses conceptions lumineuses et de ses perspectives, lui rendent le dédain qu’il a eu pour leurs devanciers de même race ; ils exercent sur lui la revanche du naturaliste positif, de l’anatomiste, de l’observateur au microscope, sur l’homme de talent qui les a trop tenus à distance ; ils sont fiers d’être aujourd’hui plus avancés que lui, et, en le rapprochant si fort de Bernardin de Saint-Pierre qu’ils lisent très peu, ils le relèguent parmi les littérateurs purs, oubliant que Buffon a été un génie scientifiquement éducable, ce que Bernardin de Saint-Pierre ne fut jamais. […] Cuvier, dont le jugement a fait loi pour les zoologistes contemporains, semble lui-même placer le mérite le plus réel de Buffon dans ses droits au titre d’auteur fondamental pour l’histoire des quadrupèdes. […] Isidore Geoffroy Saint-Hilaire voit le mérite de Buffon autre part encore : mais il me semble que Cuvier et M. de Blainville ne restreignaient point si fort ses titres à la reconnaissance de la postérité ; ils lui accordaient aussi des idées de génie soit en physiologie philosophique, soit pour les grandes distributions géographiques des êtres.
» Car il y avait en Louis XIV et dans l’air qui l’environnait je ne sais quoi qui obligeait à ces qualités et à ces mérites tous ceux qui entraient dans la sphère du grand règne, et c’est en ce sens qu’on peut dire qu’il les leur conférait. […] M. de Bausset a remarqué au contraire, comme une espèce de singularité, qu’il ne vint à l’idée de personne alors de prendre Bossuet et Bourdaloue pour sujet de parallèle, et de balancer leur mérite et leur génie, comme on le faisait si souvent pour Corneille et pour Racine ; ou du moins, si on les compara, ce ne fut que très peu. […] Le siècle dans lequel tous deux vivaient eut le mérite de faire cette distinction, et d’apprécier chacun sans les opposer l’un à l’autre : et aujourd’hui ceux qui triomphent de cette opposition et qui écrasent si aisément Bourdaloue avec Bossuet, l’homme de talent avec l’homme de génie, parce qu’ils croient se sentir eux-mêmes de la famille des génies, oublient trop que cette éloquence chrétienne était faite pour édifier et pour nourrir encore plus que pour plaire ou pour subjuguer.
Malgré l’amitié de M. d’Avaux, son ancien condisciple, avec qui il avait renoué un commerce familier, il ne brillait encore que dans les cercles bourgeois, lorsque M. de Chaudebonne, l’ayant un jour rencontré dans une maison, lui dit : « Monsieur, vous êtes un trop galant homme pour demeurer dans la bourgeoisie ; il faut que je vous en tire. » Par lui Voiture fut présenté chez la marquise de Rambouillet, l’oracle du mérite et de la politesse, et dès ce moment il entra dans sa vraie sphère ; il n’eût plus qu’à suivre sa vocation, qui était d’être le bel esprit à la mode dans une société d’élite. […] Parmi les divers portraits qu’on fit de lui depuis sa mort, il en est un qui est peu connu et qui mérite d’être cité, parce qu’on l’y représente sous un jour assez particulier dans ses relations auprès des femmes et comme pratiquant un art raffiné de fatuité. […] Entre Balzac et lui je n’ai fait qu’effleurer le parallèle ; il est curieux d’y mieux entrer : c’est un chapitre à part et qui mérite d’être traité en soi.
Quoi qu’il en soit, ce poète de Toulouse, qui végéta toute sa vie dans les fonctions de président au présidial d’Aurillac, est un digne représentant des poètes disgraciés par la fortune, et dont le mérite n’a pu triompher d’une mauvaise étoile ; il a droit de se citer lui-même en exemple au malheureux Acanthe, et, pour mieux le consoler encore, il lui retrace les malheurs de leur père commun et de leur maître, Apollon. […] Non, maréchal ; donnez-nous des Mécènes, Et vous verrez des Virgiles pleuvoir… On ne saurait mieux parodier ni plus gaiement traduire le vers de Martial : Sint Maecenates, non deerunt, Flacce, Marones, Sénecé est tout naturellement un conteur ; c’est là son principal mérite ; c’est dans ce genre que son vers déploie sans inconvénient le caractère facile et coulant qui lui est familier, et qu’il mérite qu’on en dise : Mais tel qu’il est, il est d’un tour aisé.
Parmi tous les éloges que mérite M. […] » Comment, au sujet de Mme de Maintenon encore et de l’estime due à son mérite, nous parler de l’honorabilité de son caractère, comme s’il s’agissait de qualifier un témoin devant une cour d’assises ? […] Mais, d’un autre côté, je ne voudrais paraître rien retirer du mérite intrinsèque et solide de l’ouvrage de M.