J’ai cru et je crois encore payer une dette délicate, remplir un devoir de politesse et d’honneur comme de justice, envers des personnes rares, si brillantes à leur heure, si fêtées et méritant de l’être, mais dont la mémoire, pour peu qu’on néglige d’en recueillir avec quelque précision les témoignages et les traits distinctifs, se dissipe de loin, s’efface peu à peu et s’évanouit. […] On ne connaissait, en effet, que le milieu de sa carrière, son éclat et ses succès de femme du monde ; les deux extrémités étaient restées peu éclaircies, et la fin même tout à fait obscure. — Sa famille est d’ailleurs bien connue, et jouissait déjà avant elle d’une illustration gracieuse : les Mémoires du xviie siècle ont beaucoup parlé de l’aimable Anne de Gampet de Saujon, qui eut tant d’empire (en tout bien tout honneur) sur Gaston d’Orléans.
Mais la brillante amie du prince de Conti méritait d’être remise en lumière à son vrai point de vue, d’être tirée du vague et de l’incertitude où flottait sa mémoire. […] Les Mémoires de l’abbé Morellet (tome II, pages 129 et suiv.) sont à lire sur l’emprisonnement de ces « pauvres dames » de Boufflers et sur le dévouement qu’elles inspirèrent à de courageux amis.
N’aimer en littérature qu’à s’occuper du présent et du livre du jour, c’est aimer la mode, c’est suivre et courir le succès, ce n’est pas aimer les Lettres elles-mêmes, dont le propre est la perpétuité, la mémoire et la variété dans le souvenir. […] Dupont (de Nemours) que tous les hommes distingués qu’il avait connus avaient eu des mères de mérite et d’esprit. » C’est De Candolle qui dit cela dans ses Mémoires.
Un admirable sonnet de Milton, comme un écho immortel et vengeur, a consacré la mémoire de ces martyres et de leurs gémissements « que les vallées répétaient aux monts, et que les monts renvoyèrent jusqu’au Ciel. ». […] Je sais que, toutes les fois qu’on parle de Catinat, il est de mode de dire beaucoup de mal de Feuquières ; Catinat n’eut pas à se louer de lui en deux circonstances, et il est plus que possible que Feuquières, en effet, par son caractère, et dans la pratique, ait eu quelques-uns des inconvénients qu’on lui a reprochés ; il faut bien croire, puisque tous l’ont dit, qu’il avait des vices de cœur : il n’en est pas moins vrai que, comme écrivain militaire, Feuquières est un esprit supérieur, et que la lecture de ses Mémoires ne soit un des livres qui donnent le plus à réfléchir.
Il se vantoit d’en avoir le premier parlé poétiquement, et par de nobles périphrases. » (Racine fils, Mémoires sur la vie de son père.) […] Il y a peu de livres qui aient plus agréablement exercé la mémoire des hommes, et il n’y en a certainement point qu’il fût aujourd’hui plus aisé de restituer, si toutes les copies et toutes les éditions en étoient perdues. »