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441. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Il seyait à cette pure femme de n’être vue que dans le jour respectueux du souvenir de quelque grande amitié qui répondait pour elle, comme celle de Joseph de Maistre, par exemple, ou dans la lumière, émue et rougissante, dont les quelques gouttes tremblent d’une manière si charmante, dans ce peu de pages qu’elle nous a laissées. […] … Il y avait naturellement, en Mme Swetchine, bien avant que le Catholicisme la prît pour lui baptiser le cerveau dans sa nappe de lumière, il y avait dans cette tête, au visage un peu kalmouck, une régularité de raison qui démentait l’angle facial, et dans l’imagination de cette Russe, quelque chose de doux et de savoureusement sage que n’ont pas d’ordinaire ses compatriotes, l’opposé de leurs neiges, dont J. de Maistre nous a dit : « Qu’ils feraient sauter en l’air les citadelles, si on les bâtissait sur leurs désirs ! 

442. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

c’est le xixe  siècle, malgré ses lumières et ses prétentions, son mouvement d’idées, sa science des détails, son éclectisme et cette impartialité dont il parle tant et qu’il ne peut pas avoir encore. […] Sans préjugé à cet égard, Weiss les a bravement exposés à sa lumière ; il n’a pas craint que l’esprit qui lira son livre, accoutumé à l’intérêt grandiose et dramatique de l’histoire, ne trouve bien chétifs et parfois bien insignifiants les renseignements personnels à tant de familles qui n’ont d’autre titre à l’attention de l’historien que d’avoir été expulsées de France, où elles travaillaient à quelque industrie qu’elles sont allées porter ailleurs.

443. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

L’édition du Ronsard de Prosper Blanchemain nous le fit voir dans toute sa gloire et dans toute sa lumière. […] Il n’aurait jamais su enfermer, comme Dante, tout un monde dans un seul mot, dans la facette de bague d’une épithète, reluisant, comme un grenat sombre, à la fin d’un vers… Ronsard, au contraire, est un diffus et un bouillonnant de lumière, répandant autour de lui le son et la peinture : spargens sonum et picturam , et c’est par là, c’est par ce genre de génie et par l’abus de ce génie, qu’il règne encore sur nous, sur l’imagination débordée, décadente et désespérée d’une époque qui a lâché tous les freins et toutes les ceintures.

444. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Le Bel  » p. 146

Il a très bien rendu un effet de nature très difficile à rendre, c’est l’affaiblissement et la couleur de la lumière du soleil, lorsqu’elle s’élance à travers les vapeurs dont l’atmosphère est quelquefois chargée à l’horizon.

445. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

La demi-ombre des bois, la clarté adoucie du crépuscule, la lumière pâle de la lune sont poétiques, précisément parce qu’elles éveillent une multitude d’idées ou de sentiments qui enveloppent les objets comme d’une auréole. […] L’image ne doit donc jamais être un ornement surajouté ; elle doit être pour l’esprit une illustration, un moyen de projeter la lumière et la vie sur l’objet dont on parle, une sorte d’éclair ouvrant la brume indistincte ; en même temps, pour le cœur, elle doit être une chaleur qui fait vibrer. […] Il y a là une leçon donnée par un grand musicien et dont nos versificateurs pourraient profiter : la rime riche revenant sans cesse et coûte que coûte, c’est le Dimora casta e pura, c’est l’exclusion des demi-teintes et des nuances, c’est la lumière toujours crue, c’est la parole toujours gonflée et la bouche toujours arrondie : ore rotundo. […] L’autre ami de loin répète ; Ou plutôt, fée au léger       Voltiger, Habile, agile courrière Qui mènes le char des vers       Dans les airs, Par deux sillons de lumière ! […] Rappelez-vous, à la scène, ces acteurs trop consciencieux qui prétendent, comme on dit, « faire un sort à chaque mot » ; au bout de cinq minutes, les mots qu’ils veulent mettre tous en lumière, étant uniformément éclairés, rentrent tous dans l’ombre.

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