La critique est à l’histoire de la littérature ce que la politique est à la sociologie, la médecine à la physiologie ; l’une applique ce que l’autre a trouvé et prouvé ; l’une veut agir immédiatement sur les hommes et les choses ; l’autre porte dans l’étude des lois de la vie un désintéressement absolu et une sérénité toute scientifique. […] Au critique revient la tâche de les appliquer, de fonder ses arrêts et ses conseils sur les lois découvertes ; l’historien, lui, borne son ambition à en établir solidement la réalité.
Qu’on se souvienne de la défense que les tables de la loi font aux juifs de peindre et de tailler des figures humaines : elles faisoient trop d’impression sur un peuple enclin par son caractere à se passionner pour tous les objets capables de l’émouvoir. […] Il faut que dans cet état, rempli d’observateurs politiques qui étendent leur attention sur bien des choses ausquelles on ne daigne point faire reflexion en d’autre païs, nos observateurs aïent remarqué que ces tableaux étoient propres à donner du moins aux enfans, qui doivent un jour devenir des hommes, plus de crainte des châtimens prononcez par la loi.
Platon est un misérable sophiste quand il prétend faire des lois au lieu de faire des dogmes ; sublime quand il interprète les dogmes de Socrate ; ridicule quand il donne ses rêveries pour législation au monde grec. […] Mais c’est bien mal comprendre la loi qui préside au développement de l’intelligence humaine. […] Depuis le Phédon, la République et les Lois, l’esprit humain a-t-il trouvé des arguments nouveaux ? […] C’est une conséquence, quand une fois on a compris la vraie destinée de l’âme, de comprendre aussi, dans toute son étendue, la loi qui lui est imposée. […] Or ces notions ne concernent pas l’âme toute seule ; elles s’appliquent aussi au monde extérieur, aux êtres, aux phénomènes qui, sans elles, demeureraient parfaitement incompréhensibles à l’intelligence, parce qu’ils seraient sans lois.
Il n’y a donc pas de loi historique inéluctable. Mais il y a (les lois biologiques ; et les sociétés humaines, en tant que voulues d’un certain côté par la nature, relèvent de la biologie sur ce point particulier. […] Nous ajoutions que cette loi n’a rien de mystérieux. […] N’abusons pas du mot « loi » dans un domaine qui est celui de la liberté, mais usons de ce terme commode quand nous nous trouvons devant de grands faits qui présentent une régularité suffisante : nous appellerons loi de dichotomie celle qui paraît provoquer la réalisation, par leur seule dissociation, de tendances qui n’étaient d’abord que des vues différentes prises sur une tendance simple. […] Montrons seulement comment s’appliqueraient nos deux lois dans le cas qui nous l’a fait ouvrir.
On ne veut plus, enfin, de « lois », ce qui pourrait devenir tout à fait dangereux. […] Cette évolution ou ce mouvement des lois du théâtre à travers, le temps, c’est ce que j’essayerai, c’est ce que je m’attacherai surtout à suivre dans ces conférences. […] Mais, drame ou comédie, c’est toujours et partout la condition, la formule, et la loi de l’action, dramatique. […] C’est de là, Messieurs, que va bientôt se dégager et sortir la formule ou la loi du roman moderne. […] Ce sont les chefs-d’œuvre d’un genre qui en déterminent les lois.