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465. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Ce n’est plus qu’un exercice littéraire, un jeu de société, où il ne s’agit que de passer adroitement par les conditions convenues. […] Il usa de la tragédie, comme de toutes les autres formes littéraires, pour répandre dans le public les conclusions de son rationalisme. […] L’histoire des mœurs peut enregistrer la superficielle émotion patriotique qui se manifeste à propos du Siège de Calais (1763) : mais De Belloy en lui-même n’intéresse pas l’histoire littéraire. […] Nous aurons à y revenir pour indiquer les causes qui ont fait de l’œuvre de Ducis un remarquable cas d’avortement littéraire.

466. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Je ne veux parler, que du livre de Mme Quinet et des impressions de Mme Quinet et de l’éclosion subite et tardive de Mme Quinet dans la vie politique et littéraire, car je ne sache pas qu’elle ait jamais écrit, avant le siège de Paris. […] Les bas-bleus sont de mon ressort, et ici je ne suis qu’un critique littéraire. […] Auriez-vous jamais cru que Paris bombardé, fumant, dévasté, aurait abrité, pendant son effroyable siège, une palombe de ce roucoulement éternel, une femme que l’amour pour son mari rend tour à tour soucieuse de son action, de sa gloire, de son portrait, de ses intérêts littéraires, de ses intérêts même de boutique, quand la patrie tombe par morceaux ! […] , un être rare, plus moral et plus sentimental que politique, patriotique et littéraire !

467. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Frères par la pensée comme par le sang, espèces de Ménechmes littéraires, tellement semblables (du moins quand on les lit) qu’on ne sait plus où l’un finit et où l’autre commence, et qu’ils semblent n’avoir à eux deux qu’une seule plume et qu’un même cerveau, MM. de Goncourt, pleins de confiance en eux-mêmes, par amour fraternel sans doute, — ce qui les préserve de la fatuité, — se sont dit un beau jour, après avoir collectionné des anecdotes et jeté l’épervier dans les courants les plus ignorés du renseignement, qu’ils étaient en mesure d’écrire cette œuvre immense, de détails concentrés et d’ensemble, que l’on appelle l’histoire d’une société. […] tel est le but éclatant, mais escarpé, que des écrivains nés d’hier se sont flattés d’atteindre aujourd’hui ; telle est la proie de lion intellectuelle qu’ils ont cru abattre dès leur premier coup de feu littéraire ! […] Avant Louis XV, cette société d’un instinct si juste et qui vivait dans une telle atmosphère de lumière, qu’on y disait, en riant, qu’un gentilhomme savait tout sans avoir rien appris, n’avait jamais songé, il est vrai, à devenir littéraire et à échanger ses grâces naturelles, saines et savoureuses, contre le caquet pédant des cercles et l’histrionisme philosophique des salons ; mais, alors même que les influences du xviiie  siècle commençaient de l’atteindre et de la gâter, elle n’était pas pour cela uniquement dans les salons parisiens, où Ton veut obstinément la voir toujours. […] Mémoires politiques et littéraires (Les Œuvres et les Hommes.

468. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard Dictionnaire des Proverbes ; Étude sur les Proverbes, historique, littéraire et morale. […] III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile ! […] Son Dictionnaire 18 était précédé, en 1842, d’une préface dans laquelle on voyait très bien qu’il sentait l’importance de la science à laquelle il s’était dévoué, mais son Étude sur les proverbes, historique, littéraire et morale 19, prouve beaucoup mieux qu’il sait penser sur ce qu’il aime et ajouter à ses recherches des manières de voir toujours sensées et souvent fines… Or, c’est précisément pour cela, c’est à cause de ses perspicaces facultés historiques, qui dominent les autres chez Quitard, que je m’étonne de rencontrer dans son livre une opinion sur l’origine des proverbes plus générale qu’examinée, et plus badaude que vraiment digne de la sagacité d’un historien. […] En lisant son Étude historique, littéraire et morale, sur les proverbes, qui est un véritable traité ex professo sur la matière, et cet amusant Dictionnaire, que le duc de Richelieu n’aurait pas fait lire à son fils comme celui de l’Académie quand il le mettait en pénitence, on regrette vivement que le tempérament — sinon les connaissances — ait manqué.

469. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

I Dans l’état présent des mœurs littéraires, — s’il y a encore des mœurs littéraires, — j’aime particulièrement les livres qui savent attendre l’heure de la Critique au lieu de la lui demander. […] Ils sont rares comme la tranquille conscience du talent qu’on a et de la fierté de l’esprit qu’on se sent… Avec l’effroyable prurit de vanité littéraire qu’ont les moins littéraires de ce temps, et qui fait d’eux des mendiants de publicité se trémoussant comiquement autour du moindre article pour qu’on leur en fasse la charité, un écrivain qui publie son livre et le met tout simplement sous la vitrine de l’éditeur, sans importuner personne de son importance et sans viser à la pétarade des journaux, m’est, par cela seul, plus sympathique que les autres, et je suis très disposé à aller vers lui, parce qu’il ne vient pas vers moi avec ces torsions de croupe respectueuses qu’ont les quêteurs d’articles qui veulent qu’on en mette dans leur chapeau… C’est précisément ce qui m’a fait aller à M. 

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