[L’Europe littéraire (décembre 1833).] Édouard Fournier Quelques pages de Victor Hugo, publiées dans l’Europe littéraire de décembre 1833, puis, avec moins de développement, dans un de ses deux volumes : Littérature et philosophie mêlées, ont rendu Imbert Galloix célèbre.
Les différents articles qui les composent, et dont l’analyse ne saurait embrasser la variété, n’ont entre eux de commun que le mérite littéraire, le seul que je puisse apprécier d’une vue générale : apprécier le mérite littéraire d’un livre, quel qu’il soit, c’est d’ordinaire donner l’exacte mesure de sa valeur réelle. […] Mais, d’un esprit moins profond, d’une âme moins forte que son frère, s’il appartient davantage à l’histoire politique du temps, il n’appartient que peu ou point à l’histoire morale et littéraire ; je reviens donc au premier.
Nous avons montré enfin à quels signes on peut reconnaître la supériorité d’un œuvre littéraire. […] Certains historiens, frappés de voir ces êtres d’exception dépasser du front la foule environnante, ont cru qu’on pouvait les isoler et que, pour dérouler l’évolution littéraire d’un peuple, on pouvait se borner à courir de l’une à l’autre de ces têtes lumineuses. […] Il s’en faut bien que les grands hommes soient les facteurs uniques des transformations littéraires ou sociales.
Aussi compte-t-il bien mener de front désormais la lutte politique, tant que besoin sera, et l’œuvre littéraire. […] Le Roi s’amuse et Lucrèce Borgia ne se ressemblent ni par le fond, ni par la forme, et ces deux ouvrages ont eu chacun de leur côté une destinée si diverse que l’un sera peut-être un jour la principale date politique et l’autre la principale date littéraire de la vie de l’auteur. […] À ses yeux, il y a beaucoup de questions sociales dans les questions littéraires, et toute œuvre est une action.
Mais quand, aux environs de 1615, plus tôt ou plus tard, disparaîtront ces derniers représentants du xvie siècle chez lesquels nous avons vu se former tous les traits de l’esprit classique, il s’en faut que les œuvres littéraires indiquent nettement le caractère de l’âge nouveau. […] C’est fausser l’histoire littéraire que de mettre à côté de Ronsard et de Desportes cet homme qui imprimait son œuvre sous Louis XIII, qui, dans la préface de son principal poème, grondait contre Malherbe, et le subissait pourtant. […] Le Tasse, Montemayor sont en leurs pays de grands poètes : D’Urfé ne vaut que par sa prose, fluide, diffuse, aimable, où se reconnaît le contemporain littéraire de François de Sales et de Montchrétien. […] Chez Mlle de Scudéry, aux samedis, moins de grand monde, et plus de gens de lettres : c’est une ruelle littéraire, un peu pédante. […] On en a trop vanté le sens littéraire, et l’esprit y est des plus gros ; cela fatigue vite.