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445. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique L’on s’est persuadé pendant quelque temps, en France, qu’il fallait faire aussi une révolution dans les lettres, et donner aux règles du goût, en tout genre, la plus grande latitude. […] Il est donc utile de caractériser les défauts qu’on peut reprocher à quelques prétentions, à quelques plaisanteries, à quelques exigences des sociétés de l’ancien régime, afin de montrer ensuite avec d’autant plus de force, quels ont été les détestables effets, littéraires et politiques, de l’audace sans mesure, de la gaieté sans grâce, et de la vulgarité avilissante qu’on a voulu introduire dans quelques époques de la révolution. […] Mais combien le mauvais goût, poussé jusqu’à la grossièreté, ne s’opposerait-il pas à la gloire littéraire, à la morale, à la liberté, à tout ce qui peut exister de bon et d’élevé dans les rapports des hommes entre eux ! […] L’urbanité des mœurs, de même que le bon goût, dont elle fait partie, est d’une grande importance littéraire et politique. […] Ils ne réuniraient presque jamais dans les compositions littéraires le naturel des observations avec la noblesse des sentiments ; loin de s’aider de leurs souvenirs, ils auraient besoin de les écarter : à peine le recueillement de l’âme pourrait-il encore donner quelquefois l’idée du vrai tableau.

446. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le métier littéraire : accroissement de dignité, diminution d’art. […] Car il apporte dans la vie littéraire un fait nouveau, considérable en ses conséquences. […] Car la vie matérielle soumet à ses nécessités le travail littéraire ; le besoin d’argent règle la production. […] Dans son journal le Pour et le Contre, suivant l’exemple des journaux littéraires rédigés par les réfugiés de Hollande, il s’occupe beaucoup de l’Angleterre ; c’est lui qui plus tard met en français Paméla (1742) et Clarisse Harlowe (1751). […] A l’imitation des philosophes, un érudit, l’abbé Barthélémy, se sert du roman pour vulgariser la connaissance de l’antiquité hellénique ; par malheur, la faiblesse de l’invention littéraire fait tort à la solidité de l’érudition, à la probité des recherches, à l’intelligence des interprétations.

447. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Fontenelle voulut et sut préserver tout d’abord les éloges des savants de l’inconvénient presque inhérent au panégyrique littéraire, je veux dire l’emphase et l’exagération. […] Condorcet, dans ses éloges, se préserva également de la pompe littéraire, mais pas toujours de la déclamation philosophique. […] Sans refuser enfin à son style toute espèce de qualité littéraire, il est impossible de n’y pas sentir des longueurs et des pesanteurs de phrases, des portions qui y sont comme opaques, et qui empêchent d’y pénétrer la lumière et l’agrément. […] Savant médecin et anatomiste, Vicq d’Azyr possédait, de plus, un riche et flexible talent d’écrivain et de peintre, qu’il appliquait non seulement aux sujets à proprement parler littéraires et académiques, mais même aux descriptions purement scientifiques ; c’est dire que, de sa part, il y avait quelque abus. […] » Ôtez ce mot de comédie qui aurait l’air désobligeant, cela n’est-il pas vrai de tous ceux qui ont un rôle et qui sont en scène, et qui devraient sembler y être le moins possible, des professeurs, des orateurs politiques, des orateurs littéraires, et même des savants ?

448. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

C’est sous Néron qu’il s’amusa à ces menues questions grammaticales et littéraires ; il n’était pas sûr alors à la pensée de prendre son vol plus haut. […] Cuvier insiste moins que Buffon sur les mérites littéraires et philosophiques de Pline ; il les reconnaît pourtant, et fait la part de tout avec une stricte mais incontestable justesse. […] Tout ceci n’est et ne peut être de ma part qu’une impression littéraire et morale ; c’est la seule que j’aie le droit d’apporter en ces doctes sujets ; mais je la donne telle qu’elle résulterait pour moi, rien que de la lecture du livre sur l’Homme. […] Ses lettres, que chacun peut lire dans l’agréable traduction de Sacy, nous offrent tous les détails de la vie publique, de la vie domestique et littéraire d’un Romain éclairé et honnête homme, sous Trajan, à la belle époque finissante de l’Empire. Jamais le sentiment littéraire proprement dit, la passion des belles études et de l’honneur qu’elles procurent, jamais l’amour de l’honnête louange, le culte de la gloire et de la postérité, n’a été poussé plus loin et plus heureusement cultivé que chez Pline le Jeune.

449. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques est un esprit ardent, enthousiaste, remuant, sensitif, d’une vie littéraire dans laquelle palpite l’autre vie, — la vie réelle, — qui en est toujours le fonds et le tréfonds, et sans les passions, les souvenirs, les douleurs de laquelle le talent n’est pas. […] Fervaques, au nom de mousquetaire, mousquetaire en frac puisque les brillantes casaques de velours rouge et noir ne sont plus, est une espèce de la Palférine littéraire. […] Ils sont fascinés, comme la femme et le coiffeur de cette grande et irrésistible drôlesse… Et c’est là le plus grand reproche que je leur ferai, à ces jeunes gens, au début de la vie littéraire dans laquelle ils ont assez de talent pour réussir. […] Il n’y a là ni grande pénétration humaine, ni grande composition littéraire. […] Elles ne ressemblent pas, par exemple, aux Historiettes de Tallemant des Réaux, cet anecdotier qui regardait dans son temps par le trou de sa lucarne, ni aux Menagiana de ce cuistre littéraire de Ménage.

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