L’écrivain inexpérimenté croit que la liberté favorise son génie. Ce n’est le plus souvent que la liberté de ne rien faire. […] Faguet nomme libéralisme, c’est un système fondé non pas sur la liberté — nous le savons étranger à la métaphysique — mais un système respectueux de toutes les libertés réelles et particulières. […] C’est un beau cri que « Liberté » entre les murs d’une prison ou sous le poing du conquérant. […] Plus sûrement qu’un régime oppressif, les excès nous raviront la liberté même ; pis peut-être que la liberté même : le goût de parler d’amour. » M.
Assez longtemps nous avons poursuivi la liberté à travers les voies de la servitude. […] Non, la statue de la Liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples… » Ainsi la liberté politique était invoquée en aide de la liberté morale par une sorte d’association et d’alliance naturelle qui n’était pas une confusion.
Mais Chamfort qui s’indignait à la seule pensée de dépendance, n’éprouva plus que le besoin de briser les liens dont il se croyait garrotté : d’abord il remit son brevet d’appointements ; et bientôt, se trouvant mal à l’aise dans un palais où tout lui parlait de grandeurs, il voulut aller respirer ailleurs l’air de la liberté. […] De sa tête active et féconde, jaillissaient les idées de liberté, revêtues de formes piquantes ; jamais il ne dit plus de ces mots qui frappent l’imagination et qui restent dans la mémoire. […] Cependant, comme c’était sous le masque du patriotisme et au nom de la liberté, qu’à cette époque déplorable on persécutait les patriotes et qu’on établissait la tyrannie, Chamfort était assez difficile à atteindre : depuis le commencement de la révolution, il marchait sur la même ligne, et en quelque sorte aux premiers rangs de la phalange républicaine ; nul n’avait supporté, avec plus de courage, et ses propres pertes, et les crises violentes qui avaient agité le corps politique, et cette espèce de réforme, ou si l’on veut ce commencement de dégradation sociale, qui, rangeant l’esprit parmi les objets de luxe, privait nécessairement l’amour-propre d’une partie de ses jouissances. […] Il n’avait conservé, de l’ancien ordre de choses, que le souvenir de ses abus, et du nouveau, que l’espoir que la liberté sortirait triomphante de la lutte sanglante dans laquelle l’anarchie, excitée sourdement par le despotisme, l’avait engagée.
Il connaît seul les secrets de cette admirable alliance de la liberté de l’homme, fondement de toute morale, et de cette nécessité providentielle, résultat des lois mystérieuses de l’harmonie générale qui régissent le monde. […] Burke, à l’origine de la révolution française, qui devait être une révolution européenne, prouvait, avec une, grande puissance de raisonnement, que les libertés de l’Angleterre étaient un héritage aussi ancien que la monarchie, et non point une conquête récente de l’ordre de choses qui porta Guillaume d’Orange au trône ; ni même une conquête de l’ordre de choses, de beaucoup antérieur, qui produisit la grande Charte du roi Jean. […] Ils nièrent, contre l’attestation de tous nos monuments historiques, que notre nation, si grande et si noble depuis tant de siècles, eût des libertés avant 1789. […] Mais y aurait-il quelque inconvénient à garder dans le fond de sa pensée la certitude intime où nous devons être, que sans les libertés qui ont précédé 1789, jamais la France n’aurait pu parvenir à l’émancipation, car le propre de l’esclavage est de ne donner que des sentiments d’esclaves ?
Qu’on pense au genre d’éloquence qui devait naître d’une telle situation, et du caractère d’un peuple qui, extrême dans l’esclavage comme dans la liberté, mettait la même impétuosité à flatter ses maîtres ou ses tyrans, qu’elle en aurait mis autrefois à les combattre. […] Placées dans les plus beaux temps à la porte de la servitude et sous la main des satrapes, à peine avaient-elles respiré l’air de la liberté. […] Démosthène sur la tribune entendait derrière lui les chaînes que traînait l’ambition des tyrans, il avait sa liberté et celle de son pays à défendre : mais pour les sophistes, tout était fiction, mensonge. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.