— À tous les poètes qui ont fait la gloire de la France dans le siècle qui vient de finir et qui sont morts maintenant, Lamartine, Victor Hugo, Musset, de Vigny, je préfère infiniment Leconte de Lisle pour l’admirable concision de ses poèmes, l’abnégation de sa personnalité et cette parfaite adaptation de notre langue poétique qui fait que l’on ne pourrait changer une strophe ni un mot de ses beaux vers. […] Ses vers ont la triple force du Rythme, de, la langue et de l’idée. […] La Fin de Satan est le plus beau poème de la langue française ; dans les Nuits, de Musset, le cœur humain palpite avec une intensité merveilleuse ; et pourtant s’il me fallait à tout prix énoncer une préférence, je désignerais Verlaine. […] À ceux qui s’étonneraient, je répondrai : « Considérez que ce poète, peu lu et mal connu, jugé d’après ses théories étroites et paradoxales, fut harmonieux comme Lamartine, profond comme Baudelaire, poignant comme Musset, grave comme Alfred de Vigny et musical comme Verlaine ; songez que les Poèmes barbares ont précédé la Légende des Siècles et la surpassent certainement en largeur épique ; méditez enfin religieusement cette œuvre parfaite, où la langue poétique n’a été maniée qu’avec ce respect sacré que possèdent seuls les génies. […] Selon moi, Baudelaire a écrit les plus beaux vers de la langue française et je le préfère à Victor Hugo.
D’importantes Revues de langue allemande publient fréquemment des traductions de ses travaux ou même des études originales qui, en France, ne sortiraient pas d’un cercle restreint. […] Le titre seul de son précieux volume sur « l’Esthétique de la langue française » valait tout un programme. […] Avec un sens artistique très puissant, tout en protestant contre la corruption de notre langue, il indique les moyens les plus naturels et les plus raisonnables de la préserver. […] Qu’il dise tant de choses fines et curieuses dans une langue coulante et dépouillée, c’en est assez pour qu’il passe premier homme de son temps. […] George Brandès en sa langue danoise.
James Darmesteter, qui y occupe la chaire des langues iraniennes. […] Je ne sais pas parler la langue de Jasmin et ne le saurai jamais. […] L’expérience montre que la langue change comme la prosodie. […] Il boit le sang noir qui le ranime et lui délie la langue. […] Quant aux villes d’Occident, celles de langue grecque étaient plutôt galiléennes et celles de langue latine plutôt païennes.
Il a dû écrire, non plus dans le latin un peu mort qu’employait l’Église au moyen âge, mais dans le langage vivant, destiné aux générations nouvelles, dans cette langue appelée peut-être à décomposer un jour toutes les autres, et qui déjà est acceptée, d’un bout de l’Europe à l’autre, comme la langue de la diplomatie et des affaires. […] La forme première, la langue naturelle de l’inspiration est la poésie. […] Je ne dis pas seulement qu’il n’y a pas de langue où ce grand nom ne se rencontre ; mais quand on mettrait sous mes yeux des dictionnaires vides de ce nom, je n’en serais pas troublé ; je ne demanderais qu’une chose : Un des hommes qui parlent cette langue pense-t-il et a-t-il foi dans sa pensée ? […] Voilà le terrain de la métaphysique, et voilà sa langue. […] Platon et même Aristote, quand on les lit dans leur langue et qu’on est forcé de les étudier sérieusement, troublent un peu le point de vue exclusif de la sensation.
Laprade, dont la Revue indépendante a publié plusieurs pièces recueillies dans le volume que nous indiquons, a de l’élévation surtout, de l’harmonie, une langue en général pure, une forme large, brillante et sonore ; sa poésie respire un sentiment vrai et profond de la nature : il y mêle peut-être un peu trop de sacerdotal et d’hiérophante.