Puisque l’institution du langage vient de Dieu malheur à celui qui prostitue la parole ! Le type des idées et des sentiments de l’homme repose dans le langage qui lui a été donné par Dieu même ; et il connaît ses rapports avec Dieu et avec ses semblables par la parole. La transmission du langage est une révélation sans cesse existante, où tous les hommes sont tour à tour prophètes et initiés, les uns à l’égard des autres, et dans les générations successives.
L’usage des plus simples actions lui cause une perpétuelle horreur, qui se manifeste tantôt par un trouble éperdu et sans cesse croissant, tantôt par de stupéfiantes maladresses, qui provoqueraient l’hilarité du plus petit portefaix dans la rue ; soit par des accidents bizarres que le manque d’audace de la victime empêche seul d’être funestes ; soit encore par un balbutiement qui appelle à son secours les plus précieuses et les plus subtiles finesses du dialogue esthétique, mais qui ne parvient pas à trouver les plus simples mots du langage de tous ; soit enfin par une ignorance, aristocratique mais absolue, des diverses et primaires méthodes par lesquelles un animal des premiers degrés de la création ose instinctivement jouir de la vie. […] S’il parle de choses pratiques d’importance vulgaire, il saura employer de telles périphrases qu’il vous est impossible, après l’avoir quitté, de répéter un seul mot de son langage, d’une imprécision tellement esthétique, que l’homme le mieux doué ne pourrait en saisir le sens réel. […] On peut mieux encore observer la vérité de ce fait, chez les individus dont le désir d’un autre être n’est pas satisfait, en un mot chez les amoureux éconduits, dont la morne tristesse et la sombre rêverie sont demeurés classiques en tout pays. « Languir d’amour » est la traduction, en langage proverbial et populaire, de cette vérité biologique : l’excitation sexuelle non satisfaite déprime les facultés cérébrales.
Nous donnons ce même nom de beauté littéraire à des sources d’émotion fort différentes, tellement qu’il y a là un abus de langage. […] Albalat confond aussi l’imitation des sujets et l’imitation du langage, quoi qu’il n’y ait rien de plus différent. […] Les sensations étant successives, le langage est successif. […] On serre la nature de bien plus près en langage général qu’en langage technique, et surtout on la fait mieux comprendre. […] Voir, dans le Chemin de Velours, l’étude sur les Femmes et le Langage.
Bourde, quand il faisait remarquer que les mots, pour parler le langage de la nouvelle école poétique, sont suggestifs. […] Ajoutez que le langage est cadencé. […] objecte La Bruyère, il n’y a rien qui ne mettrait mieux en garde contre l’imposteur que ce langage patelin. […] Il devrait être averti de son malheur ; il devrait au moins être mis sur ses gardes par les allures fantasques et le langage excentrique de sa femme. […] Comme on y sentait, sous la discrétion du langage, un chagrin sérieux et profond !
Ils corrompirent jusqu’au langage des vaincus & y substituerent leur propre idiome. […] On eut des Orateurs aussi-tôt qu’on eut un langage. […] Là parut aussi la Mothe qui dans ses fables voulut trop s’éloigner de la route connue ; qui donna un langage à des êtres qu’on ne peut en aucun sens personnifier, & qui courut après l’esprit en essayant d’imiter le langage des Brutes. […] On dirait que ce genre est devenu le langage naturel du Français. […] C’était pour notre Poésie un langage tout nouveau, & il fallait des lumieres unies au talent pour lui faire parler ce langage.