Il y a de son temps cinq ou six « Fabrice » qu’il ne désigne pas autrement, mais où l’on peut reconnaître, sans être très méchant, Lamotte, Fontenelle, un peu Voltaire, et certainement Marivaux, qu’il poursuit de ses épigrammes, dont il trouve insupportables « les expressions trop recherchées », les « phrases entortillées, pour ainsi dire », le langage « mignon » et « précieux », « les attraits plus brillants que solides », les pensées « souvent très obscures », les vers « mal rimés », etc21. — C’est presque une affectation chez lui que de ne point vouloir être de cette littérature-là, ni, pour ainsi dire, de son temps. […] Ai-je besoin de dire que quand nous donnons Racine pour un réaliste, nous ne cédons point à un goût de paradoxe ou de taquinerie, et croyons avoir raison ; mais qu’encore ce n’est qu’en son fond que Racine est réaliste, par son goût du vrai, du précis, et du naturel, et de la nature ; et que sur ce fond, qui du reste est un de ses mérites, il a mis et sa poésie, qui est d’une espèce si délicate et précieuse, et son goût d’une certaine noblesse de sentiments, de mœurs et de langage, une sorte d’air aristocratique qui se répand sur son œuvre entière. […] C’est cette profonde capacité de sentiment qui met un homme sur la voie de ces idées si convenables, si significatives ; c’est elle qui lui indique ces tours si familiers, si relatifs à nos cœurs ; qui lui enseigne ces mouvements faits pour aller les uns avec les autres, pour entraîner avec eux l’image de tout ce qui s’est déjà passé, et pour prêter aux situations qu’on traite ce caractère séduisant qui sauve tout, qui justifie tout, et qui même, exposant les choses qu’on ne croirait pas régulières, les met dans un biais qui nous assujettit toujours à bon compte ; parce qu’en effet le biais est dans la nature, quoiqu’il cessât d’y être si on ne savait pas le tourner : car en fait de mouvement la nature a le pour et le contre ; et il ne s’agit que de bien ajuster. » Marivaux était de ceux, ou de celles, a qui l’idée pure, même très peu abstraite, échappe complètement, qui n’ont ni prise pour la saisir, ni force pour la suivre, ni langage pour l’exprimer. […] Mais il n’a que des mépris pour « l’harmonieuse extravagance » des lyriques, pour « ces espèces de poètes » qu’on appelle les romanciers « qui outrent le langage de l’esprit et celui du cœur », pour tous ces hommes dont « le métier est de mettre des entraves au bon sens, et d’accabler la raison sous les agréments ».
« La France est une personne », a dit quelque part Michelet, et comme telle, au seuil de l’œuvre où il va retracer, dans un langage enflammé, son aventure séculaire, il place son portrait. […] Peu d’ornements, que ceux d’un bon langage, ni de littérature plus qu’il n’en faut pour être clair et correct. […] L’arrière-fond du langage y trouve son emploi. […] Une divination savante le dirigea en cette extraordinaire recherche d’un langage distinctif ; car il ne parvint que par degrés à épurer son style de toute accointance avec ce qu’il nommait « l’état de la parole, brut ou immédiat ». […] L’auteur n’est autre que Trelawnayaf, l’ami et le compagnon de lord Byron, et, comme il le dit lui-même en son langage romantique, « une des âmes les plus volcaniques » qui aient senti brûler en elles le feu d’une nature indomptable.
Bien mieux, c’est un imbroglio où l’action surabonde, parmi des intrigues qui se croisent, se cassent et se renouent, à travers un pêle-mêle de travestissements, de reconnaissances, de surprises, de méprises, de sauts par la fenêtre, de prises de bec et de soufflets, tout cela dans un style étincelant où chaque phrase scintille par toutes ses facettes, où les répliques semblent taillées par une main de lapidaire, où les yeux s’oublieraient à contempler les brillants multipliés du langage, si l’esprit n’était entraîné par la rapidité du dialogue et par la pétulance de l’action.
Le poète s’adresse d’abord aux envahisseurs du sol sacré ; puis à Jéhovah, qu’il fait parler par sa propre bouche pour rendre confiance à Saül ; puis à Saül auquel il se substitue tout à coup pour lui faire tenir un langage royal et rassurant pour lui-même et pour son peuple ; puis aux ennemis, de nouveau, pour qu’ils se repentent, se soumettent et se résignent à la domination du choisi, de l’élu, du sacré, c’est-à-dire de Saül !
» l’emportaient sur tout, prison, grilles, chaînes, échafaud même ; la zampogne semblait plutôt délirer que jouer sous mes doigts, et les notes qui s’échappaient criaient de joie, insensées, comme les eaux de la grotte, amassées dans le bassin et longtemps retenues, quand nous ouvrons les rigoles, s’élancent en cascades en se précipitant en écume et en bondissant au lieu de couler, et je me disais : « Il m’entend, et ce délire est un langage à son oreille qui lui apprend ce que ma bouche n’a pas achevé de lui confesser. » Les prisonniers se pressaient aux lucarnes et croyaient peut-être que j’étais tombée en folie.