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532. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La conséquence immédiate de cette proposition : « Jésus est le Messie », était cette autre proposition : « Jésus est fils de David. » Il se laissa donner un titre sans lequel il ne pouvait espérer aucun succès. […] D’autres fois, on lui créait dès le berceau des relations avec les hommes célèbres, Jean-Baptiste, Hérode le Grand, des astrologues chaldéens qui, dit-on, firent vers ce temps-là un voyage à Jérusalem 688, deux vieillards, Siméon et Anne, qui avaient laissé des souvenirs de haute sainteté 689. […] La croyance que certains hommes sont des incarnations de facultés ou de « puissances » divines, était répandue ; les Samaritains possédaient vers le même temps un thaumaturge nommé Simon, qu’on identifiait avec « la grande vertu de Dieu 718. » Depuis près de deux siècles, les esprits spéculatifs du judaïsme se laissaient aller au penchant de faire des personnes distinctes avec les attributs divins ou avec certaines expressions qu’on rapportait à la divinité. […] La théorie métaphysique du Verbe, telle qu’on la trouve dans les écrits de son contemporain Philon, dans les Targums chaldéens, et déjà dans le livre de la « Sagesse 719 », ne se laisse entrevoir ni dans les Logia de Matthieu, ni en général dans les synoptiques, interprètes si authentiques des paroles de Jésus. […] Mais le procès de Jésus ne laisse place à aucun doute.

533. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Elle a de l’intérêt par elle-même ; il n’est pas indifférent à la morale, de voir comment cette femme, née dans une prison, d’un père protestant, qui se ruina au jeu et mourut à la Martinique, où elle fut laissée en gage à un créancier par sa mère obligée de venir chercher du pain en France ; renvoyée à sa mère, à quatorze ans, par ce créancier qui trouvait trop onéreux de la nourrir ; devient à quarante-cinq ans l’amie, la confidente d’un roi galant, parvient à le détacher de ses maîtresses, ne voulant prendre la place d’aucune, et à quarante-huit ans devient la femme de ce roi, plus jeune qu’elle de trois ans. […] Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation. […] Nulle contrainte pour les exercices du culte ; on l’a laissa libre sur ce point. L’orgueil étant désintéressé, elle se laissa aller à ce que pensait et pratiquait le couvent, soit par cette disposition à sympathiser avec des opinions générales, disposition qui formait un des traits de son caractère, soit par cette ambition d’estime, d’affection, de considération qui lui était propre aussi, et qui commençait à se développer en elle. […] On peut y supposer un peu d’exaltation, d’abord parce qu’ils ont été supprimés ; en second lieu, parce qu’on trouve, dans le peu de lignes que les dévotes dépositaires des lettres de madame de Maintenon y ont laissées, une expression que je n’aurais sûrement pas été le premier à remarquer.

534. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Sternay est riche, et il laisse sa maîtresse travailler à la journée pour gagner, avec sa vie, celle de son enfant. […] Son père, tout fier maintenant de ce fils qui peut le pousser à la députation par la candidature officielle, le supplie de se laisser reconnaître. […] Quand on entre dans le paradis, on laisse à la porte les ressentiments et les haines. […] Ce crachat nobilaire semble reprendre son synonyme injurieux à la façon dont il le lui laisse ; il le blasonne comme il le marquerait. […] L’innocence ne fait de pareils aveux qu’à voix basse ; les marguerites se laissent surprendre, mais ne crient pas leur secret.

535. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

En vain Mme de Sévigné essayait quelquefois de le modérer dans son zèle de bons offices et de correspondance : Vous jugez bien, écrivait-elle à sa fille, que puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui plaît pas, je lâche la bride à toutes ses bontés et lui laisse la liberté de son écritoire. […] On se confirme, après étude et réflexion, dans l’idée qu’une première et franche impression nous avait laissée d’elle. […] Walckenaer a consacré tout un chapitre à cette beauté romanesque ; mais il s’est appliqué à la traduire, et il ne la laisse pas assez parler elle-même. Pourtant Mme de Courcelles a écrit ; elle a raconté avec une ingénuité singulière une partie de ses aventures dans une confession adressée à l’un de ses amants ; elle a laissé des lettres écrites à ce même amant. […] Quoique je ne me connusse guère aux marques d’une passion naissante, je ne laissai pas de comprendre que cette démarche d’un homme aussi brusque et aussi accablé d’affaires me voulait dire quelque chose.

536. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Les réflexions que fait naître cette simple relation sont de plus d’un genre ; l’impression qu’elle laisse après elle dans l’esprit est ineffaçable. […] Malgré les succès extraordinaires qui signalent l’entrée en campagne, malgré la conquête de la Lituanie en un mois, presque sans combattre, et quoique la vaillante jeunesse se laisse aller aux espérances, ceux qui réfléchissent voient l’avenir beaucoup moins en beau. […] On emporta sur des charrettes tout ce qui restait de vivres : Je laissai dans ma maison, dit M. de Fezensac, la farine que je ne pus emporter ; on m’avait conseillé de la détruire ; mais je ne pus me résoudre à en priver les malheureux habitants, et je la leur donnai de bon cœur, en dédommagement du mal que nous avions été forcés de leur faire. […] Laissons dire le témoin narrateur : Le jour baissait ; le 3e corps marchait en silence ; aucun de nous ne pouvait comprendre ce que nous allions devenir. […] Dans ces grandes épreuves qui demandent à l’homme plus qu’il ne peut donner, la nature humaine, épuisée à la longue et usée qu’elle est, laisse voir, pour ainsi dire, sa trame à nu.

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