Mais laissons de côté les cinquante moutons eux-mêmes pour n’en retenir que l’idée. […] On nous accordera d’ailleurs sans peine que toute opération par laquelle on compte des objets matériels implique la représentation simultanée de ces objets, et que, par là même, on les laisse dans l’espace. […] Mais dès que je la laisse de côté pour passer à la suivante, je l’objective, et par là même j’en fais une chose, c’est-à-dire une multiplicité. […] Si les sons se dissocient, c’est qu’ils laissent entre eux des intervalles vides. […] La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs.
Tous deux se connurent beaucoup et s’estimèrent ; ils avaient sans s’en douter le même travers, et ils le notaient réciproquement chacun chez l’autre : l’une était à cheval sur son rang de princesse, et sur le qui-vive, de peur qu’on ne lui rendît pas assez ; l’autre était intraitable, on le sait, et comme fanatique sur le chapitre des ducs et pairs : En France et en Angleterre, dit Madame, les ducs et les lords ont un orgueil tellement excessif qu’ils croient être au-dessus de tout ; si on les laissait faire, ils se regarderaient comme supérieurs aux princes du sang, et la plupart d’entre eux ne sont pas même véritablement nobles. […] La première Dauphine, qui était Allemande et née princesse de Bavière, le dit à Madame en pleurant, mais sans rien oser pour empêcher un tel affront qui les atteignait toutes deux : « Laissez-moi faire, répondit Madame, j’arrangerai cela ; car, lorsque j’ai raison, rien ne m’intimide. » Et le lendemain elle s’arrangea si bien qu’elle rencontra dans le parc une des deux demoiselles soi-disant comtesses palatines : elle l’aborda et la traita de telle sorte (les termes étonnants en ont été conservés) que la pauvre fille en prit une maladie dont elle mourut. […] Dès qu’elle y retournait, elle se sentait dans son élément : Je me trouve bien à Saint-Cloud où je suis tranquille (mai 1718), tandis qu’à Paris on ne me laisse jamais un instant de repos. […] Madame manqua ce jour-là à tous ses principes d’orthodoxie sur les devoirs du rang et se laissa aller à sa fantaisie. — Je regrette également pour elle qu’elle ait écrit, bien avant la Régence, certaine lettre à l’électrice de Hanovre, et je me passerais très bien aussi de la réponse de cette dernière : ce sont tout simplement des grossièretés dignes du mardi gras. […] Je voudrais retrancher ces lettres du volume, auquel elles ne se rattachent en rien : il y a des recueils tout spéciaux où il convient de laisser ces sortes de choses.
Pourtant, entre lui et Mme Dacier, il ne serait pas juste de s’en tenir purement et simplement à ce que fit dans le temps Fénelon par politesse, c’est-à-dire de laisser la balance indécise. […] Mme Dacier ne laisse pas d’avoir des passages spirituels et qui ne demanderaient qu’à être mieux entourés. […] Aussi ne répondit-elle qu’à peine et en courant dans la préface de son Odyssée (1716), et elle laissa M. […] Je laisse dans le mépris qu’il mérite un mémoire odieux, né de quelque rancune fanatique au sein du parti protestant qu’elle avait quitté117. […] Sa femme passait pour en savoir plus que lui en ces deux langues, en antiquités, en critique, et a laissé quantité d’ouvrages fort estimés.
Ta manière élevée de voir se communique à moi, et, quoiqu’en ce moment il se trouve ici beaucoup d’ouvrage pour moi, je laisse tout pour ne suivre que tes conseils. […] Granet, dont c’était le genre, lui dit un jour : « Laissez donc ces tableaux de murailles pour les gens qui ne savent pas faire la figure. » La figure humaine, cette figure d’un être que l’Écriture nous apprend avoir été fait à l’image de Dieu, avec sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa grâce, et surtout sa gravité et sa tristesse, c’est en effet le triomphe de Léopold Robert : il s’y est consacré et consumé. […] Il me pardonnera dans tous les cas, je l’espère, d’avoir laissé trace de ce léger et si passager froissement, en faveur de l’hommage qui lui est ici rendu par un noble artiste près de tomber au milieu de sa course, et qui, même au moment où il cueillait sa dernière palme, le saluait du fond de l’âme comme le premier maître de notre âge et comme un ami. […] S’étant laissé aller un jour, comme il aimait à le faire dans les dernières années, à entretenir un ami de ses espérances religieuses et de sa confiance en une vie future, en l’immortalité, il se reprenait tout d’un coup, mais pour y appuyer davantage : Je fais la réflexion que ce sujet que je traite si volontiers est bien délicat, et qu’il vaudrait mieux garder pour soi les observations qu’on peut faire et en montrer le résultat par ses œuvres. […] Cette théorie d’intention morale qu’il a si à cœur laisse subsister chez lui tout le souci de détail pour l’exécution, pour le style.
Ce qui est certain, c’est qu’en 1589, après avoir prêché le carême à Angers, et un carême très vif38, Charron retourna à Bordeauxk, où, dit-on, il prit connaissance et vécut fort familièrement avec messire Michel de Montaigne, chevalier de l’ordre du roi, auteur du livre intitulé les Essais, duquel il faisait un merveilleux cas ; et le sieur de Montaigne l’aimait d’une affection réciproque, et avant de mourir (ce qui eut lieu trois ans après), par son testament il lui permit de porter après son décès les pleines armes de sa noble famille, parce qu’il ne laissait aucun enfant mâle. […] Quelques-uns de ces caractères ne laissent pas d’étonner au premier abord : en effet Charron s’y montre plus sceptique dans l’exposé de certaines vérités naturelles qu’on ne s’y attendrait d’après son rôle public de théologien, et il nous est possible, sans trop de difficulté, de retrouver le lien qui unit ses ouvrages de religion et d’apologétique à celui qu’il composera bientôt à un point de vue tout philosophique, comme disciple de Montaigne, et sous le titre humain De la Sagesse. […] Laissons ces discussions sujettes à piège, et exposons dans son ensemble le sens désormais évident et la direction incontenable, tant de la théologie que de la philosophie de Charron. […] Par vulgaire, il n’entend pas le peuple proprement dit, « mais les esprits populaires, de quelque robe, profession et condition qu’ils soient », gens opiniâtres à ce qu’ils ont une fois pris à cœur, et qu’il y a péril à venir heurter dans leurs préjugés établis : dont il a semblé à plusieurs, dit-il, qu’il n’y faut aucunement toucher, mais laisser le moutier où il est, laisser rouler le monde comme il a accoutumé, et se contenter d’en penser ce qui en est ; et que ce n’est raison que les sages se mettent en peine pour les fols opiniâtres. […] — Voilà ce qu’un païen très sage a dit très sagement… Ces raisons, en partie morales, en partie politiques, et dont les adversaires ne laissaient pas dans leurs réponses et réfutations d’indiquer le point faible40, étaient pourtant bien reçues au lendemain des révolutions et quand un souffle plus doux circulait déjà ; elles aidaient auprès de beaucoup d’esprits à l’œuvre d’apaisement et de pacification, qui était celle de Henri IV.