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2043. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

« Si les enfants, dit-il, avaient les bras hors du maillot, l’exercice prématuré du toucher leur donnerait plus d’esprit. » L’usage de laisser aux nouveau-nés les bras libres est devenu général ; en avons-nous plus de gens d’esprit ? […] Les défauts, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas le style, ces traits saillants qu’on veut mettre partout, ces mots « qui nous éblouissent un moment pour nous laisser ensuite dans les ténèbres, ces pensées fines, déliées, sans consistance, qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité » ; la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; les phrases arrangées, les mots détournés de leurs acceptions, les traits irréguliers, les figures discordantes ; — d’où tout cela vient-il, sinon de ce qu’on écrit hors de soi, à côté de soi, et qu’il y a un auteur au lieu d’un homme ? […] Quand Buffon prescrit à l’écrivain de conduire sa plume sur un premier trait, et de l’y laisser immobile et comme enchaînée, jusqu’à ce que la logique lui ait montré le trait où elle doit se porter ensuite ; puis, ce nouveau pas fait, de l’arrêter encore, et ainsi jusqu’à la fin de l’œuvre, on dirait un mathématicien enseignant l’art de résoudre un problème.

2044. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

L’animal se laisser aller à l’alcoolisme quand l’homme lui en donne l’occasion. […] Parfois un homme renonce à la vie plutôt que de laisser périr d’autres hommes, ou plutôt que de ne pas obéir à des commandements moraux ou religieux que la société lui a inculqués, et qui représentent, en lui et pour lui, soit les désirs d’autrui, soit la société, soit la volonté de Dieu, ou quelque rêve d’idéal, quelque obscure loi d’un monde meilleur vaguement entrevu. […] Parfois encore l’esprit social égare ceux qui se laissent diriger par lui.

2045. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

C’est tout ce que l’analyse précédente en laisse subsister. […] Je n’irai certes pas jusqu’à dire que l’objectivité ne soit que quantité pure (ce serait trop particulariser la nature des relations en question), mais on comprend que je ne sais plus qui se soit laissé entraîner à dire que le monde n’est qu’une équation différentielle. […] Bien que cette opinion n’ait aucune chance d’être adoptée ni par les physiciens, ni par les philosophes, il est bon d’être averti, afin de ne pas se laisser glisser sur la pente qui y mènerait.

2046. (1890) L’avenir de la science « V »

Quelque destructive que paraisse une critique, il faut la laisser faire, pourvu qu’elle soit réellement scientifique ; le salut n’est jamais en arrière. […] Laissons les âmes vulgaires crier avec Mika, ayant perdu ses idoles : « J’ai perdu mes dieux ! […] » Laissons-les dire avec Sérapion, l’anthropomorphiste converti du mont Athos : « Hélas !

2047. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Mais heureusement l’humanité aime mieux se contredire que de laisser sans aliment un des besoins essentiels de son être. […] Chacun existe trop vigoureusement ; des individualités aussi caractérisées ne se laissent pas lier en gerbe. […] L’Allemagne est le seul pays où la littérature se laisse influencer par les théories préconçues de la critique.

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