Elle ne lui souffle plus ces paroles ailées qui bruissent dans la lumière comme des abeilles d’or ; elle lui retire l’harmonie sacrée, le nombre mystérieux ; elle fausse le timbre de ses rimes et laisse introduire dans ses vers des phrases de plomb prises au journal ou au pamphlet132. » Telle est la doctrine de « l’Art pour l’Art » dans sa dernière et sa plus rigoureuse expression. […] C’est grand dommage que ces petits chefs-d’œuvre ne puissent s’exposer à la devanture de notre livre : les lecteurs des journaux de mode nous en sauraient le meilleur gré, ainsi que toute l’école qui, sur l’exemple des frères de Goncourt, combat pour faire entrer dans l’art le japonisme, le bibelot et le chiffon.
Puis, comme il n’y avait guère de journaux, — si ce n’est, à Paris, la Gazette de France (le Mercure ne date que de 1672), et, dans les villes de province, des petites feuilles d’annonces hebdomadaires, — la correspondance privée remplaçait les journaux. […] Vous vous rappelez peut-être qu’il y eut, là-dessus, voilà quinze ans, grande querelle à la Comédie-Française, au Temps et au Journal des Débats. […] Donc, on lit dans le Journal de Dangeau (dimanche 5 novembre 1684) : « Le soir, il y eut comédie française ; le roi y vint, et l’on choisit Mithridate, parce que c’est la comédie qui lui plaît le plus. » Mithridate fut joué très souvent à la cour : à Saint-Germain, à Fontainebleau, à Chambord, à Versailles, — et à Saint-Cloud (1680) pour la dauphine nouvellement mariée.
L’auteur-amateur avait fait imprimer dans l’intervalle quelques petites dissertations sur la Justesse, sur l’Esprit, sur la Conversation, sur les Agréments ; tout cela venait trop tard, et l’on conçoit que Dangeau, enregistrant dans son Journal la mort du chevalier, ait dit : « C’étoit un homme de beaucoup d’esprit, qui avoit fait des livres qui ne lui faisoient pas beaucoup d’honneur. » Le goût de ces choses, et surtout de cette manière de les dire, avait passé, et, en matière légère comme bien souvent en matière plus grave, le moment est tout ; on n’en rappelle pas.
J’appris qu’il était mieux, et peu de jours après je lus la nouvelle de sa belle et douce mort dans les journaux.
Un jour, je lus sa mort dans un journal.