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323. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il y veut de la joie, de la légèreté, de la douceur ; il en bannit la tristesse et l’âpreté : « La piété, disait-il, n’a rien de faible, ni de triste, ni de gêné : elle élargit le cœur ; elle est simple et aimable ; elle se fait tout à tous pour les gagner tous. » Il réduit presque toute la piété à l’amour, c’est-à-dire à la charité. […] Apprenant la mort de la princesse, qui précéda de si peu celle de son élève, Fénelon écrivait à Destouches (18 février) : Les tristes nouvelles qui nous sont venues du pays où vous êtes, monsieur, m’ôtent toute la joie qui était l’âme de notre commerce : Quis desiderio sit pudor… Véritablement la perte est très grande pour la Cour et pour tout le royaume. […] Il a cette gaieté légère qui n’est ni une dissipation ni un mensonge, et qui, chez lui, n’est que le mouvement naturel d’une âme chaste, égale, tempérante ; il a cette joie dont il a dit si bien que « la frugalité, la santé et l’innocence en sont les vraies sources ».

324. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Colbert entrait dans son cabinet, on le voyait se mettre au travail avec un air content et en se frottant les mains de joie, mais que depuis il ne se mettait guère sur son siège pour travailler qu’avec un air chagrin et même en soupirant. […] J’eus bien de la joie d’avoir en quelque sorte empêché qu’on n’ôtât cette promenade au public. […] Enthousiaste des beautés de son siècle, et recueillant en faisceau les admirations de sa jeunesse, il les consacra dans un petit poème intitulé : Le Siècle de Louis le Grand, qu’il lut à l’Académie le 27 janvier 1687, c’est-à-dire le jour où elle s’assemblait pour témoigner sa joie de la convalescence du roi, qui avait subi une opération.

325. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

L’orgueil national pourtant finira par se décider à l’admiration, et la joie générale éclatera à la seconde victoire. […] Il se borne donc à l’entourer de soins, de petits présents, d’étrennes à la Noël, au jour de l’an, à chaque anniversaire : « Le 6 mai (1770), jour de la bataille de Prague. — Je vous envoie, mon cher ami, du vieux vin de Hongrie pour vous en délecter, le même jour que vous fûtes, il y a treize ans, si cruellement blessé par nos ennemis. » Il traite évidemment ce digne survivant des grandes guerres comme un vieillard perclus avant le temps ; il veut lui donner des joies d’enfant jusqu’au dernier jour. […] Ôtez de devant mes yeux cette épée qui m’éblouit et me blesse. » Frédéric ne se choque point, et à l’étrange boutade du philosophe sauvage il n’oppose que ces mots : « Il veut que je fasse la paix ; le bonhomme ne sait pas la difficulté qu’il y a d’y parvenir, et, s’il connaissait les politiques avec lesquels j’ai affaire, il les trouverait bien autrement intraitables que les philosophes avec lesquels il s’est brouillé. » Aussitôt la paix conclue, Frédéric se fait une joie de revoir son ami le Milord Maréchal, et, quand celui-ci l’a quitté pour retourner en Écosse, il essaye de le rappeler à Postdam par ces paroles où perce cette fois un sourire et un vrai parfum de poésie : « Je finis ma lettre en vous apprenant, mon cher Milord, que mon chèvrefeuille est sorti, que mon sureau va débourgeonner, et que les oies sauvages sont déjà de retour.

326. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Dans les deux cas, sa métaphore supprime l’essence même de l’épanouissement et de la joie. Cette joie et cet épanouissement n’étant que la sensation et les idées en tant qu’agréables, il est aussi impossible d’omettre quand on les décrit, la sensation et les idées qu’il est impossible, quand on décrit les mouvements de l’estomac, de faire abstraction de l’estomac. […] Étant donnés la sympathie, l’égoïsme, la vertu, l’amour, l’ambition, la crainte et toutes les passions, Spinoza les explique non par une liste d’inclinaisons primitives, mais par ce fait que la joie est un accroissement d’action et de perfection.

327. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Le seul accent lyrique échappé de sa verve, ce sont quelques vers de son âge déjà mur, mais après rude épreuve et dans la joie d’une chaîne brisée et d’une liberté reconquise : ce sont ses vers au lac de Genève, à la Suisse, à sa retraite présente, à son indépendance actuelle et future. […] Bientôt, disais-je, la sagesse fera pénétrer ses leçons dans les humbles cabanes de ceux qui travaillent et gémissent ; et, conquérante par l’exemple de son bonheur, la France forcera les nations d’être libres, jusqu’à ce que l’amour et la joie paraissent à l’entour et nomment la terre leur domaine. […] Il y continua les mêmes accents sous un ciel plus favorable et dans l’ardeur d’un apostolat plus impérieux : mais en même temps il y fut poëte de la nature et de la vie privée ; il y fut poëte inspiré par les lieux comme par les souvenirs, mêlant ses joies de famille à ses épreuves de missionnaire, son amour humain à ses espérances célestes.

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