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13. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Plus porté aux sentiments qu’aux idées, la jeunesse lui sied bien et devrait lui durer toujours : le créole est comme naturellement épicurien. […] L’Éléonore de Parny, naïve et facile, manque d’élévation, d’avenir, d’idéal, de ce je ne sais quoi qui donne l’immortelle jeunesse ; elle n’a jamais eu d’étoile au front. […] que Parny n’est-il mort comme son ami Bertin au sortir de la jeunesse, à la veille des tempêtes sociales qui allaient soulever tant de limon ! […] L’imagination n’était que voluptueuse dans la jeunesse ; elle court risque, en insistant, de devenir licencieuse, si de graves pensées nées à temps ne l’enchaînent pas. […] « Grandissant, dans la jeunesse, au milieu des traverses et des rudes travaux, tu ne m’apparus pas encore.

14. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

L’Almaviva, disons-nous, se réveille en lui de tous les côtés et a de vifs revenez-y de jeunesse. […] Ici l’on a une éloquente et passionnée réponse où Pompéa, comme une prêtresse égarée, évoque et rassemblé dans une idéale image toute la poésie et l’âme de sa jeunesse : « Je te dois tout, s’écrie-t-elle, le bien comme le mal ; pour être, j’ai attendu un signe de ta volonté, et tu m’as faite semblable à toi. […] … » Ce n’est plus la seule Pompéa, en effet, qui a parlé, c’est le passé tout entier, c’est toute sa jeunesse qui s’est rassemblée une dernière fois aux yeux d’Herman et qui lui apparaît comme dans un miroir magique. […] On ne commencerait pas avant Henri IV, laissant derrière soi les Valois avec leurs goûts douteux et leurs caprices bizarres ; mais, dès Louis XIII, on aurait une de ces scènes d’intérieur ou les jeunes seigneurs et gentilshommes du temps, les Montmorency, les Liancourt, en compagnie du poëte Théophile, célébraient la fête de la jeunesse et celle, dit-on, de la Nature. […] Ainsi d’époque en époque, de trente en trente années, on saurait les recommencements, les ardeurs premières et les folles cocardes de chaque jeunesse, ce qui faisait que son rêve délirant n’était pas tout à fait le délire d’une jeunesse qui avait précédé.

15. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

C’est ici qu’il convient de le peindre dans sa jeunesse, car c’est un portrait de jeunesse qui sied surtout à Vicq d’Azyr. […] Ce fut sans doute lorsqu’il se tut pour écouter son semblable, pour recueillir ses paroles, pour se pénétrer de son esprit. » Et lorsque ces marques de respect et d’attention sont accordées à l’extrême jeunesse d’un homme studieux et déjà savant, la jouissance chez celui-ci est plus grande ; l’amour-propre s’y décore de chaleur et de sympathie. Dans son éloge de M. de Lamure, Vicq d’Azyr parlant des succès de ce professeur de Montpellier, raconte que lorsqu’on félicitait M. de Lamure déjà vieux sur l’intérêt de ses cours, celui-ci répondait : « C’était dans ma jeunesse qu’il fallait m’entendre. » Et Vicq d’Azyr à ce propos, ramené de quatorze ans en arrière à ses propres souvenirs, ne peut s’empêcher de s’écrier : Combien, en effet, cette jeunesse dont on se méfie tant n’a-t-elle pas opéré de prodiges ! […] La diffamation alors ne l’effrayait pas ; il la méprisait avec ce courage facile que donne la jeunesse, et qui se fondait sur une confiance encore entière dans l’opinion des honnêtes gens. […] L’un instruit l’enfance, il forme la jeunesse ; l’autre parle à l’homme, dont il élève l’âme et dont il fortifie la raison.

16. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

n’a plus cette chevalerie et cette première fleur d’honneur, de même que la jeunesse avait foulé elle-même cette première fleur de pudeur. Si l’on comme nçait par une enfance ou une adolescence souillée, par une jeunesse égoïste ou trop sceptique et ironique, et faisant bon marché de tout, où n’irait-on pas ? […] Quoi qu’on puisse dire, il ne se découvre pas même trace de ce genre de sentiment, si conforme à la jeunesse, dans les lettres qu’écrit d’Angleterre Benjamin Constant : en revanche, il cite le Pauvre Diable de Voltaire, et il s’en revient au gîte en se souvenant beaucoup de Pangloss. […] La jeunesse ne saurait être trop à cheval sur ce chapitre de la dignité ; il est trop aisé, plus tard, d’en rabattre. […] J’ai pensé qu’on en saisirait la cause profonde dans le tableau de cette singulière jeunesse et de ces premières années qui se dévoilaient soudainement à nous : de là mon analyse91.

17. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Ève, dans sa première fleur de jeunesse, est en face du serpent qui lui montre la pomme : elle la regarde, elle se retourne à demi vers Adam, elle a l’air de le consulter. […] Mais, dans la jeunesse, cette enfance de sentiments, avec le gracieux manège qui s’y mêlait, amena plus d’une fois (peut-on s’en étonner ?) […] Avec son instinct de pureté et de bonté céleste, elle le sentait bien elle-même : aussi, elle si admirée et si adorée, on ne la vit point regretter la jeunesse, ni ses matinées de soleil, ni ses orages, même les plus embellis. […] Quant à la jeunesse, à la beauté de son cœur, s’il a été donné à tous de l’apprécier, c’est à ceux qui en ont joui de plus près qu’il appartient surtout d’en parler un jour. […] Cette personne unique, et dont la mémoire vivra autant que la société française, a été peinte avec bien de la grâce par Gérard dans sa fraîcheur de jeunesse.

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