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637. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Ses scrupules redoublant, le jeune frère se réfugia à la Trappe. […] Cependant, sur ce premier trouble du pauvre Santeul, un jeune jésuite, régent à Rouen, le père du Cerceau, lança une pièce en vers glyconiques et asclépiades intitulé Santolius vindicatus, qui courut manuscrite et vint siffler comme une flèche à l’oreille de l’imprudent. […] Boivin jeune traduisait la pièce de Rollin en vers français, et dans le premier moment on disait que la traduction était de Racine. […] Toute la jeune cavalerie légère des jésuites (« pubes jesuitica sagittaria », comme il l’appelait) était à ses trousses et le houspillait. […] Il y avait de ces jeunes malins jésuites, espiègles déjà comme le sera Gresset, qui, pour s’assurer si le repentir de Santeul était bien sincère, se déguisaient en jansénistes dans des lettres qu’ils lui écrivaient ; ils signaient, au bas le nom de quelque curé respectable, du curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, par exemple : « Quoi !

638. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

En même temps, une jeune école de poètes cherchait de toutes parts des veines nouvelles. […] Mais le style de la poésie lyrique était fort déchu ; il était entravé et gêné de toutes parts, jeté à froid dans des moules usés ; les heureuses tentatives de quelques jeunes poètes tendaient à le restaurer, à l’étendre, et à ceux qui s’en étonnaient et s’en irritaient comme d’une innovation inouïe, je rappelais qu’on l’avait déjà essayé et sans tant de maladresse et de malheur qu’on l’avait bien voulu dire. […] Il est jeune quand il conçoit son dessein : pourtant il a déjà vécu, voyagé ; il a fait légèrement ses premières études et les a manquées ; il est devenu page, et encore enfant il a couru le monde ; il est allé en Angleterre, en Écosse, en Hollande, en Allemagne, en Piémont. […] Ce que fera un jour Alfieri à un âge plus avancé, Ronsard le fit plus jeune, mais par un même principe d’opiniâtre volonté ; il se dit : « Je serai poète, je le suis » ; et il le fut. […] Il a exprimé cela admirablement dans une épître à son ami Jean Galland, principal du collège de Boncourt ; il lui dit : Comme on voit en septembre aux tonneaux angevins Bouillir en écumant la jeunesse des vins, Qui, chaude en son berceau, à toute force gronde Et voudroit tout d’un coup sortir hors de sa bonde, Ardente, impatiente, et n’a point de repos De s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots, Tant que le froid hiver lui ait dompté sa force6, Rembarrant sa puissance aux berceaux d’une écorce : Ainsi la poésie, en la jeune saison, Bouillonne dans nos cœurs… Mais quand vient l’âge de trente-cinq ou quarante ans (c’est la limite qu’il assigne), le sang se refroidit ; adieu la muse et les belles chansons : Nos lauriers sont séchés, et le train de nos vers Se présente à nos yeux boileux et de travers : Toujours quelque malheur en marchant les retards, Et comme par dépit la muse les regarde.

639. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Il y a longtemps que Pindare l’a dit pour ce qui est des vers : Vive le vieux vin et les jeunes chansons ! — Les jeunes chansons, c’est aussi la pièce du soir, c’est le roman du jour, c’est ce qui fait l’entretien de la jeunesse à l’instant où cela paraît. […] Cette soirée où Emma est reçue avec la politesse qui attend partout une jeune et jolie femme, et où elle respire en entrant ce parfum de vie élégante, aristocratique, qui est sa chimère et pour laquelle elle se croit née, cette soirée où elle danse, où elle valse sans l’avoir appris, où elle devine tout ce qu’il faut, et où elle réussit très convenablement, l’enivre et contribuera à la perdre : elle s’est comme empoisonnée dans le parfum. […] Léon, au fond, n’est pas grand-chose ; cependant il est jeune, il a l’air aimable, il croit aimer. […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ?

640. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le moment n’est pas loin où une jeune dame bien apprise et convenablement sentimentale devra se choisir pour ami de cœur un des beaux officiers suisses de Versailles, et faire au moins une fois le pèlerinage de Zurich pour visiter Gessner. […] Il s’était lié, en 1773, d’une amitié fraternelle avec un jeune homme de sept ans plus jeune que lui, destiné à une noble gloire, Jean de Muller, de Schaffhouse, le prochain historien national de la Suisse. […] L’influence de Bonstetten sur son jeune ami fut salutaire et bienfaisante : il contribua à le confirmer dans cette courageuse entreprise d’une histoire de la Suisse, à laquelle lui-même, convié il y avait peu d’années, il ne s’était pas jugé suffisant. […] Tout cela, pour être utile dans trente ans d’ici, quand vous et moi n’existerons peut-être plus, à un fils qui ne naîtra peut-être jamais, qui peut-être mourra jeune… ! […] Après dîner il s’évadait furtivement pour faire de la poésie d’amour avec quelque aimable et jeune personne.

641. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Ce n’est pas ma faute si le tableau fidèle de la Cour en ces années du vieux Fleury et du jeune Louis XV laisse une impression si chétive, si flétrissante. […] Il advint que M. de Roquancour, trésorier du dauphin Henri eut un jour besoin d’un commis, et s’adressa pour cela au procureur chez qui était le jeune Olivier Lefèvre. […] Il jeta ses vues sur la famille de M. de Morvilliers, évêque d’Orléans et conseiller d’État, et rechercha une de ses nièces qui lui fut accordée : cette jeune personne appartenait du côté paternel à la famille de saint François de Paule, pour qui la famille d’Ormesson aura une dévotion toute particulière. […] Ceux qui, comme moi, se sont occcupés de Port-Royal et de son premier éclat, y trouvent des détails curieux et précis, d’une impartialité incontestable, sur le bruit que fit le livre d’Arnauld, De la fréquente communion, sur les prédications auxquelles il donna sujet dans les chaires de Paris, sur les sentiments de messieurs du Parlement à l’égard d’Arnauld. — Un de nos jeunes maîtres qui s’occupe, je le sais, d’une histoire de l’éloquence de la chaire dans la première moitié du xviie  siècle et avant Bossuet, y trouvera le compte rendu ou la mention au moins de plus d’un sermon qui fut éloquent à son heure ; et en particulier d’Ormesson, bon témoin, mais nullement prophète, dira de l’un des premiers sermons du coadjuteur (Retz) : « L’après-dînée (du jeudi 4 décembre 1643), M. le coadjuteur prêcha à Saint-Jean où était la reine, avec toute la suffisance et éloquence possibles, dont chacun espérait beaucoup de fruit lorsqu’il sera archevêque de Paris. […] Louis XIII règne encore, ou plutôt il traîne et achève de mourir : on craint une sédition à Paris (27 avril 1643), « parce que le menu peuple murmurait sur la maladie du roi contre M. le cardinal de Richelieu, sur ce que l’on disait qu’il avait empoisonné le roi, et parlait-on de tirer son corps de Sorbonne et le traîner par les rues, et l’on disait que l’on avait ôté toute magnificence, même retiré son corps. » On retira en effet son corps, et on le porta pour plus de sûreté dans la Bastille, — Quand on reçoit au Parlement son neveu, le marquis de Brezé, pour le duché de Fronsac (30 avril), on ne fait aucune action oratoire, selon l’usage, aucune plaidoirie, « étant trop jeune pour parler de lui, et la mémoire du cardinal étant trop odieuse pour en parler ».

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