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321. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

On cite, par exemple, le passage où Platon, marquant divers degrés d’intelligence chez les hommes et le rang analogue qui leur est dû dans la Cité, exprime ces différences par les valeurs inégales des métaux. […] Dans le silence du philosophe sur une telle révélation, quelques rencontres de génie, quelques formes d’imagination, ne suffisent pas pour affirmer ce commerce d’intelligence. […] Malgré ce que l’exacte sagacité des modernes et leur subtile esthétique peuvent ajouter à l’intelligence du texte antique, ne croyons pas que ces Hellènes judaïsants du second ou du premier siècle avant notre ère, que les Septante, que plus tard un Origène d’Alexandrie, qu’un saint Jérôme, entre les docteurs de Béthleem, et les pieuses Romaines qui chantaient pour lui les psaumes dans la langue hébraïque, n’aient pas entendu ce texte que rendait avec tant de force une nouvelle diction grecque ou romaine. […] L’action de ces hommes, dans les combats de la Judée avec la Phénicie, l’Assyrie, la Perse, est la plus grande peut-être que l’intelligence dévouée et passionnée ait exercée contre le nombre et la force. […] Ils représentaient, avec le rayon de feu sur le front, ce même combat de l’intelligence et de la vertu contre l’invasion homicide du dehors et la tyrannie homicide du dedans.

322. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Car l’intelligence, même des idées, a besoin de l’amour des idées pour se soutenir. […] Il est femme, de cœur, d’intelligence, de manière et de style. […] quelle intelligence, quelle finesse, que d’esprit ! […] Mais il aime trouver l’intelligence dans les objets de son étude, et si d’intelligence générale il n’en voit pas dans l’histoire, il se plaît à y contempler des intelligences particulières. […] Le lien entre le caractère et l’intelligence est là plus, intimement plus, qu’ailleurs.

323. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

N’a-t-il pas eu le front d’attribuer au principe de sa critique, au goût, un esprit de sympathique largeur et d’intelligence universelle ? […] Sans parler des littératures anciennes et étrangères qui sont devenues moins absurdes à leurs yeux, ils ont fait des progrès dans l’intelligence de Igor propre littérature. […] Il me semble que l’intelligence suffit. […] Est-ce ta faute, après tout, si tu n’as pas eu l’âme et l’intelligence plus larges ? […] Leur connaissance, leur étude va nous faire faire un pas de plus dans l’intelligence de son théâtre.

324. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Certains psychologues ont cherché la première origine des émotions dans le domaine de l’intelligence et ont voulu les expliquer par un simple jeu d’idées. […] Wundt, lui, reconnaît mieux la force de la volonté sous celle des idées, mais, nous l’avons vu, il place cette force uniquement dans l’attention, dans ce qu’il appelle l’aperception, c’est-à-dire la saisie des objets par l’intelligence. […] Le non et le oui de l’intelligence, comme la fuite ou l’approche du corps, ne sont que des résultats du non et du oui de la volonté. […] Ce contraste est un des moyens qui facilitent l’intelligence des signes. […] Et pourquoi cette sonorité devient-elle plus forte à mesure que l’être a plus d’intelligence ?

325. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

D’abord, tout cet appareil compliqué, précis, luisant et froid ; ces multiples et fins instruments faits pour couper, percer, pincer, brûler, scier, limer, tordre, et qui éveillent en nous l’idée de sensations atrocement aiguës et lancinantes ; puis cette pauvre nudité exposée sur le lit opératoire, et qui (nous y pensons fraternellement) pourrait être la nôtre ; ce mystère violé de nos plus secrets organes ; cet aspect de corps éventré sur un champ de bataille ; la vue du sang, et des entrailles ouvertes, et des plaies béantes et rouges, vue qui serait insoutenable si le malade sentait, mais qui n’est que suprêmement émouvante puisqu’on a la certitude qu’il ne souffre pas et l’espoir que, en se réveillant, il aura la joie infinie de se savoir affranchi de la torture ou de la honte de son mal ou de son infirmité… Et ce spectacle est aussi très bon pour l’intelligence. […] * * * Puisque j’ai dû au docteur Eugène Doyen quelques-unes de mes émotions les plus rares — émotions artistiques, car le bon sorcier était beau à voir ; il respirait la force et la joie dans sa fonction salutaire et sanglante, et je sentais le « drame » conduit par une main délicate et forte, et cette main elle-même dirigée par une intelligence audacieuse et inventive ; — puisque, d’autre part, ce poète du scalpel m’apparaît comme un des hommes les plus évidemment prédestinés à diminuer parmi nous la somme du mal physique, pourquoi ne vous le dirais-je pas ?

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