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1222. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il chargea sa mémoire de toutes les folles opinions répanduës de son tems ; et faute d’intelligence, ou par un fol amour du merveilleux, il en outre encore le ridicule et l’absurdité. […] Les uns ont crû qu’il avoit voulu amuser son siecle par une description ingénieuse et intéressante de la guerre de Troye : les autres, qu’il n’avoit prétendu qu’exciter l’admiration de ses lecteurs pour la valeur surprenante de son héros : d’autres enfin, qu’il n’avoit eu en vûe que les moeurs, et que dans une fable fort simple au fonds, quoique vaste par ses ornemens, il avoit voulu faire sentir à la Grece combien lui importoit la bonne intelligence des princes qui la gouvernoient. […] Cela ne dit-il pas assez clairement que la division entre ceux d’un même parti, ruine leurs desseins, et qu’au contraire la bonne intelligence en assure le succès ? […] Si l’on regarde ces dieux du côté de l’intelligence et de la volonté, ils ont encore toutes nos foiblesses et tous nos vices : ignorance des événemens, inconstance dans leurs desirs, imprudence dans leurs projets, injustice dans leurs actions. […] Diroit-on qu’Homere donnant ses livres les uns après les autres, ou que le poëme ne se lisant pas de suite, il a crû devoir pour la clarté, rappeller dans un livre des choses déja dites en d’autres, et qui pouvoient n’être plus assez présentes pour l’intelligence du sujet ?

1223. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

On ignore l’invention des langues, et même si les langues furent inventées ou innées ; les notes, qui ne parlent qu’à l’oreille, sont moins divines sans doute que les langues qui parlent à l’intelligence ; néanmoins on ignore également comment elles furent inventées : les origines de la musique sont pleines de mystères. […] Le père du plus grand génie qui ait jamais fait rendre au son tout ce que le son contient de consonance pour l’oreille était lui-même un génie de pressentiment ; il n’avait pas toute la création, mais il avait toute l’intelligence de la musique ; il en avait de plus la passion. […] Les règles mêmes de la composition entraient dans sa frêle intelligence ; avant de comprendre les lettres il lisait les notes et comprenait la grammaire des sons ; à l’âge de quatre ans et quelques mois il jouait du petit violon de poche à la proportion de sa taille, et il étudiait par imitation le doigté de l’orgue sur les genoux de l’organiste ; semblable aux anges du tableau de Raphaël, accoudés aux pieds de sainte Cécile, esprits enfantins qui savent tout sans avoir rien appris.

1224. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Les Français, disait-il, ont de l’intelligence et de l’esprit, mais ils n’ont pas de fond et pas de piété, ce qui leur sert. […] » Walter Scott s’est servi d’une scène de mon Egmont, il en avait le droit ; il l’a fait avec intelligence, il ne mérite que des éloges. […] Le second s’élève plus souvent et plus haut vers le ciel des intelligences, et la belle et calme mort qui survient sans agonie et sans angoisses l’endort sur le sein de Dieu.

1225. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Comme les autres, les gens de lettres subordonnent à des calculs positifs la direction de leur intelligence. […] Elle représente un individu chez qui l’intelligence et la santé résident, et le même individu flétri et déprimé par l’abus des alcools. […] Le problème n’est ni plus ni moins que ce problème redoutable : la démocratie deviendra-t-elle une réalité par l’existence d’un peuple vraiment libre qui élève ses propres besoins en élevant son intelligence et sa volonté ?

1226. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Cela serait trop logique d’ôter à mademoiselle Mars son héritage, s’il y avait en effet à son ombre, une beauté naissante, un sourire, une grâce, une promesse, quelque chose qui lui ressemblât, seulement en intelligence, ou quelque belle douée de sa voix, ou bien ornée de cet esprit si fin, ou tout au moins en passe de conquérir un peu de sa popularité européenne ; mais non, il n’y a rien pour la remplacer ; il y a quelques petites filles qui la copient (Va-t’en voir s’ils viennent, Jean), il y en a qui pleurent la comédie, d’autres qui la chantent, pas une qui la joue, et pas une qui la comprenne ! […] Bertin l’aîné est mort entouré des sympathies, de la reconnaissance et des respects de cette grande famille d’esprits dont il avait été l’appui, l’exemple et le conseil. « Il ne faut pas pleurer sur moi, nous disait l’admirable vieillard, le jour même de sa mort, j’ai vécu heureux, je meurs content, et c’est sur vous que je pleure. » La durée en pleine action, en pleine intelligence, en plein exercice des facultés de l’âme et des puissances du cœur, est un signe, un présage, une promesse, une espérance d’immortalité ! […] Que d’esprit elle avait, — et, mêlée à cet esprit, quelle intelligence sûre et prompte, nette et vive !

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