Cette solennité pathétique fait un peu sourire, quand on songe que tout cela n’avait pour effet que d’associer Beaumarchais à des gains d’affaires, à des intérêts dans les vivres, et de le rendre riche à millions. […] Après diverses offres avantageuses qui n’avaient pas rendu ce qu’il voulait, « il avait imaginé d’acquitter d’un seul coup ses promesses en me prêtant, dit Beaumarchais, cinq cent mille francs pour acheter une charge, que je devais lui rembourser à l’aise sur le produit des intérêts qu’il me promettait dans de grandes entreprises ». […] dites si vous avez jamais vu autre chose en moi qu’un homme constamment gai ; aimant avec une égale passion l’étude et le plaisir ; enclin à la raillerie, mais sans amertume ; et l’accueillant dans autrui contre soi, quand elle est assaisonnée ; soutenant peut-être avec trop d’ardeur son opinion quand il la croit juste, mais honorant hautement et sans envie tous les gens qu’il reconnaît supérieurs ; confiant sur ses intérêts jusqu’à la négligence ; actif quand il est aiguillonné, paresseux et stagnant après l’orage : insouciant dans le bonheur, mais poussant la constance et la sérénité dans l’infortune jusqu’à l’étonnement de ses plus familiers amis.
Sans doute, l’homme de génie, quand il compose, ne pense plus à lui-même, c’est-à-dire à ses petits intérêts, à ses petites passions, à sa personne de tous les jours ; mais il pense à ce qu’il pense ; autrement, il ne serait qu’un écho sonore et inintelligent, et ce que saint Paul appelle admirablement symbalum sonans. […] L’un oublie les choses visibles, l’autre les choses invisibles ; l’un ne pense qu’à son devoir et oublie son intérêt ; l’autre pense à son intérêt et oublie son devoir.
Sans admettre que le vers devienne un verset complet, et là le goût et l’oreille sont suffisants pour avertir le poète, on peut grouper en un seul vers trois ou quatre éléments ayant intérêt à ce que leur jaillissement soit resserré. […] Ce n’est point que je ne saisisse l’intérêt et le mérite des efforts tentés pour expliquer scientifiquement le vers libre. […] Mais il y a intérêt à ce que parmi les poètes, surtout parmi les plus jeunes, ceux qui ayant trouvé le vers libre installé, et vis-à-vis de lui, en excellente posture, la réaction parnassienne, ou le Parnasse renouvelé et progressiste (comme vous voudrez) qu’on lui opposait, quelques-uns des plus doués aient choisi le vers libre.
Le jour venu, les applaudissements, la popularité, les annonces des journaux, l’affluence du public, l’intérêt de parti, le sentiment de la gloire, le transportaient jusqu’au génie. […] On voyait qu’il ne poursuivait que le vrai, qu’il y employait toute sa force, qu’il n’en dépensait rien pour des intérêts étrangers, qu’il ne songeait ni à briller ni à plaire, qu’il était penseur et non orateur, qu’il se servait de la parole par occasion et non par amour de la parole. […] Pour nous arracher aux distractions du dehors et aux intérêts sensibles, il faut des idées enflammées et dévorantes ; la force des résistances qu’elles surmontent mesure la force d’obsession qu’elles possèdent ; d’un homme elles font un moine ; et quand volontairement un laïque aujourd’hui se fait moine, c’est qu’il le veut de tout son cœur.
. — Comment le tempérament, l’orgueil et l’intérêt la soutiennent. — La théorie du droit personnel est appliquée. — Comment les élections, les journaux, les tribunaux la mettent en pratique. […] C’est pis lorsque l’intérêt personnel du peuple est en jeu. […] L’acharnement des partis dans l’État comme dans la foi est une preuve de zèle ; la tranquillité constante n’est que l’indifférence générale, et s’ils se battent aux élections, c’est qu’ils prennent intérêt aux élections. […] Depuis longtemps, il semblait que la liberté de discussion, la pratique des affaires, l’importance des intérêts engagés et la grandeur des récompenses offertes dussent provoquer sa croissance ; mais elle avortait, encroûtée dans la pédanterie théologique, ou restreinte dans les préoccupations locales, et le secret des séances parlementaires lui ôtait la moitié de sa force en lui ôtant la plénitude du jour. […] Nous nions que la force brutale soit l’autorité légitime, et que la populace soit la nation882. « Une véritable aristocratie naturelle n’est point dans l’État un intérêt séparé ni séparable.