De jeunes belles-sœurs observaient les nouveaux-venus avec un intérêt encore plus curieux qu’affectueux peut-être ; mais tout ce petit manége ne tint pas longtemps en face d’un hôte aussi imprévu ; on avait affaire en sa personne au plus irrésistible génie (le Genius des Anciens), à celui qui se rit de la contrainte et qui épanouit les fronts : « Quant à moi, écrivait Désaugiers racontant ce premier accueil et comment il avait rompu la glace, j’ai fait des prodiges, soit dit sans me flatter. […] Ce brave homme n’avait pu résister à l’intérêt qu’un talent si naturel et si expansif lui inspira : il lui offrit sur-le-champ le passage gratis à son bord, et lui garantit qu’il trouverait sur le continent prochain à donner autant de leçons qu’il voudrait. […] Tous les conflits d’amour-propre ou d’intérêt se taisaient aisément devant lui.
« Plus tard on apprend que toute doctrine a sa raison, tout intérêt son droit, toute action son explication et presque son excuse. […] Son stoïcisme se serait réfugié encore plus avant dans la contemplation silencieuse des choses ; la réalité pratique, indigne de le passionner, ne lui apparaîtrait de jour en jour davantage que sous le côté médiocre des intérêts et du bien-être ; il s’y accommoderait en sage, avec modération ; mais cela seul est déjà trop : la tiédeur s’ensuit à la longue ; fatigué d’enthousiasme, une sorte d’ironie involontaire, comme chez beaucoup d’esprits supérieurs, l’aurait peut-être gagné avec l’âge : il a mieux fait de bien mourir ! […] On est coupable en France, quelque intérêt qu’on allègue, si l’on manque, faute d’élan, certains moments de grandeur et de gloire qui ne se retrouvent plus.
Ils se disent à eux-mêmes : Voilà quelqu’un qui n’a pas les mêmes objets que nous en vue dans ses sorties à travers nos rues et nos places publiques ; voilà un étranger à nos intérêts d’ici-bas, voilà le feu sacré qui passe et qui nous coudoie sans nous voir. […] Mais on ne le rencontre guère à la cour que fréquentait le Théophraste français ; on y est occupé d’intérêts plus terrestres et plus personnels. […] C’est un même nom : ceux qui aiment ; ceux qui aiment sans intérêt ce qui mérite le plus d’être aimé ici-bas, le bien, le beau, la vertu, le génie, le rayon divin transperçant à travers toutes choses humaines, âme ou marbre !
À ce propos, il y a l’Académie, un prix Maillé Latour Landry, fondé pour encourager un jeune écrivain, auquel il paraît utile de donner une marque d’intérêt, à persévérer dans la carrière des lettres. […] Que ceux-ci enfin organisent, mon Dieu oui, syndicalement, corporativement, la défense de leurs intérêts, et j’entends par là aussi bien la mise en rapports avec leurs clients naturels, les éditeurs., directeurs de périodiques ou de théâtres, etc… (n’est-ce pas ce que tente l’Entr’aide littéraire ?) […] Mais pour cela, faut-il un État qui n’ait pas un intérêt vital à ne tolérer aucune corporation, aucune collectivité, aucune force organisée, indépendante de lui.
L’insouciance du rêveur, aux prises avec la science pratique du légiste, donne l’intérêt d’un duel inégal à cette scène où la physionomie du notaire commence à se dessiner. […] L’intérêt se retire d’elle, et, par contrecoup, de la pièce. […] Imaginez, à la place de cette froide poupée, une femme ardente et nerveuse, altérée des eaux furtives, affamée des fruits défendus, rôdant autour du monde interlope, finissant par enjamber la frontière ; et la moralité du drame croîtrait autant que son intérêt.