Mignet avec un peu trop d’appareil peut-être ; car enfin, il était assis à côté de lui, et l’instant d’après, cet éloge qu’il venait de donner est remonté jusqu’à lui-même et lui a été rendu avec usure. […] Sa vraie supériorité est dans la manière dont il entend et dont il traite l’histoire, non pas celle de ce temps-ci et qui se passe sous nos yeux (elle est trop mobile et trop variable à chaque instant), mais l’histoire morte et telle qu’elle se refait après coup.
La familiarité à tout instant s’y mêlerait au grandiose, à la crudité peut-être. […] Le lecteur, à tous les instants aussi, et dans le détail même de la lecture, serait pénétré du véritable esprit du sujet, il en serait nourri, et au bout de ces quinze volumes l’homme réel, l’homme naturel, exprimé en mille façons, lui sortirait par tous les pores.
Quiconque a dit : Et moi aussi je suis peintre, que ne donnerait-il pas pour qu’il lui fût permis de contempler un instant ou Michel-Ange ou Raphaël le pinceau à la main, et tout entier suspendu à sa toile ou à sa paroi sublime ? […] Il alla au maréchal de Schomberg et lui représenta qu’il croyait l’instant favorable.
Ce n’est point un improvisateur perpétuel comme Voltaire, ni un coquet sérieux, un limeur et un polisseur de tous les instants, comme Rousseau : il ne prend aucune peine quand il écrit à ses amis, et l’on s’en aperçoit, bien que son style garde du bel air et de l’épigramme. […] Pour écrire des lettres excellentes et durables en tant que pièces littéraires, je ne sais que deux manières et deux moyens : avoir un génie vif, éveillé, prompt, à bride abattue, et de tous les instants, comme Mme de Sévigné, comme Voltaire ; ou se donner du temps et prendre du soin, écrire à main reposée, comme Pline, Bussy, Rousseau, Paul-Louis Courier : — en deux mots, improviser ou composer.
Tantôt et souvent il avait ce que Buffon, parlant des animaux de proie, a appelé une âme de colère ; tantôt et non moins souvent il avait une douceur, une tendresse à ravir les petits enfants, une âme tout à fait charmante ; et il passait de l’une à l’autre en un instant. […] Et Guérin, au contraire, n’y résiste pas ; tous les accidents naturels qui passent, une pluie d’avril, une bourrasque de mars, une tendre et capricieuse nuaison de mai, tout lui parle, tout le saisit et le possède, et l’enlève ; il a beau s’arrêter en de courts instants et s’écrier : « Mon Dieu !