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365. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

L’intérêt qu’elle inspire est très grand. […] De bonne foi sur le fond des choses, mais par cela seul qu’il veut les exprimer de manière à plaire à l’esprit ou à le convaincre davantage, l’écrivain calcule ses effets pour ses livres comme le comédien pour la scène, — et ceux-là, parmi les écrivains, qui passent pour les plus inspirés, sont ceux dont le calcul est le plus rapide mais n’en est pas moins du calcul.

366. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Et ne sera-t-il pas d’ailleurs toujours plus beau d’inspirer les hommes comme la Muse que de les corriger ou de leur dicter, comme un professeur ? […] Flourens, qui voudrait couvrir de sa tête tout entière, comme on couvre de sa poitrine celui qu’on aime, les erreurs de Buffon, ces erreurs qui sont souvent grandioses, — « et j’aime mieux, à tout prendre, une conjecture qui élève mon esprit qu’un fait exact qui le laisse à terre… J’appellerai toujours grande la pensée qui me fait penser. »« C’est là le génie de Buffon, ajoute-t-il encore, et le secret de son pouvoir, c’est qu’il a une force qui se communique, c’est qu’il ose et qu’il inspire à son lecteur quelque chose de sa hardiesse. » Et pourtant, est-ce que les paroles de M. 

367. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Il y a plus, il est peut-être, par le talent de l’expression, par l’élévation de son sentiment, par l’enthousiasme profond que lui inspire la cause de la démocratie, l’un des écrivains qui font le plus d’honneur à son parti. […] C’est un noble esprit, — on le sent bien quand on le lit, — un de ces esprits « qui ne veulent pas être les créateurs, mais les créatures de la Vérité », et c’est pourquoi nous avons dit avec franchise ce que son livre nous a inspiré en le lisant.

368. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

l’un comme l’autre, l’esprit qui vivait le plus comme celui qui vivait le moins, ils devaient si bien retenir, en eux, la marque de cette philosophie, que, malgré le temps, la réflexion et la peur inspirée par des doctrines qui ont fini par donner Arnold Ruge à l’Allemagne et Proudhon à la France, on la retrouve partout en eux à cette heure, aussi bien dans le plus puissant devenu le plus prudent, et qui affecte, pour désorienter l’opinion et n’y pas répondre, de sculpter avec un amour comiquement idolâtre le buste d’une femme sur un tombeau, que dans le plus faible resté le plus hardi, — puisqu’il est resté philosophe, — s’efforçant vainement, dans son interprétation de la métaphysique de saint Anselme, d’échapper aux conséquences, maintenant dévoilées, de la philosophie qui les a également asservis ! […] Quand saint Anselme posait l’argument purement métaphysique, le théologien, le moine inspiré lâchait donc la réalité, pour courir après l’ombre.

369. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Arrivés au sommet de leur renommée, heureux, applaudis, se faisant entre eux dans leurs livres tous les salamalecs de la camaraderie, qui n’est le plus souvent que l’hypocrisie de l’amitié, aucun d’eux ne s’est noblement retourné vers cet homme dont ils avaient vu à l’œuvre le génie, et qui les avait, avant qu’il fût chrétien, souvent inspirés ! […] Il masquait son nom et sa personne avec des chefs-d’œuvre qu’il ne signait pas, et l’Angleterre se mourait de curiosité, de cette curiosité plus piquante et plus enivrante pour l’âme choisie qui l’inspire, que la gloire elle-même et ses bruyantes admirations !

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