Le recueil de poésies qui vint après celui-là, plus considérable et plus grave que les Odelettes, montre que, dès les Odelettes, le poète inspiré n’était plus. […] Il est bien évident que l’homme qui a écrit : Que tels que des gens fous, troublés, anéantis, ne s’est pas entendu en écrivant, et que le métier ne l’a pas averti, ce bouché d’oreilles, ce sourd-muet d’une organisation qui n’est plus rien une fois qu’elle n’est plus inspirée !
Il cherche à édifier plutôt qu’à plaire ; il vient annoncer que tout est fini, afin de ramener à Dieu qui ne finit point ; il nous fait souvenir de la fatale nécessité de mourir, pour nous inspirer la sainte résolution de bien vivre71. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
Ce secrétaire rédigeait les actes du gouvernement, il les inspirait et les discutait en les rédigeant ; il était à la république ce que le souffleur est au drame, invisible, mais âme de tout. […] Machiavel, mal inspiré, ne s’y rendit pas. […] Machiavel, qui les fréquentait, et qui les inspirait du fanatisme classique de la liberté romaine, n’avait trempé que son génie, mais non sa main, dans la conjuration. […] La pensée qui inspira le livre du Prince à Machiavel, la voici. […] Avoir égalé Tacite, avoir inspiré Bossuet et Montesquieu, c’est être trois grands hommes en un seul homme.
Naïf comme ces pâtres de Norvège qui se plaisaient jadis à entendre autour de la flamme du pin résineux le récit des Scaldes inspirés, il laisse aux histoires primitives leur charme d’enfance ingénue ; mais, penseur et critique, il sait, sans nuire à sa propre émotion ni à celle des autres, montrer la loi nécessaire des événements dans la suite en apparence désordonnée des circonstances, et il contraint l’humanité vieillie à s’aimer, à se haïr, à se plaindre, à se reconnaître en un mot, dans les contes qui l’ont bercée. […] Wagner a réuni toutes ces fonctions sur la tête de Sixtus Beckmesser dont le type fortement accusé symbolise ainsi le pédantisme intransigeant, en opposition avec son rival, le chevalier Walther de Stolzing, le poète inspiré, ne connaissant d’autre loi que l’élan spontané de sa libre fantaisie. […] Il nous apprend aussi que les architectes allemands commencent à s’inspirer du théâtre idéal, tel que Wagner l’a esquissé dans son « édifice provisoire ». […] Cette image inspirera le symbolisme et vient directement du romantisme allemand. […] Ce souhait de construire des théâtres lyriques sur ce modèle a inspiré des projets d’architectes à la recherche du « théâtre de l’avenir ».
Au lieu de la fiction toujours froide, la mémoire des lieux aimés, toujours chaude, fut ma muse, comme nous disions alors ; elle m’inspira. […] On jouit sur cette hauteur d’un complet et perpétuel silence ; les bruits des vallées ne montent pas jusque-là ; on n’y entend que la chute accidentelle des petits coquillages pétrifiés qu’un mouvement du pied fait rouler jusqu’au bas de la montagne ou les imperceptibles sifflements que rend la brise en se tamisant sur les brins d’herbe mince, sèche et aiguë, qui percent les pierres comme de petites lances : accompagnement doux plutôt qu’interruption des hautes pensées que les hauts lieux inspirent. […] La politique était toujours le premier texte de l’entretien : l’élévation du site, la solitude du lieu, la discrétion des rochers, qui inspiraient, dans ces temps suspects, une parfaite sécurité aux interlocuteurs, la confiance absolue qu’ils avaient les uns dans les autres, laissaient s’épancher leurs âmes dans l’abandon de leurs pensées. […] J’entrai pour rappeler mon chien, cause de ce désordre ; M. de Valmont, assis sous un noisetier contre le mur, se trouva en face de moi ; il me reconnut, me sourit, me salua, et m’invita à entrer, avec une confiance très-étrangère à son caractère, mais inspirée sans doute par la candeur de ma figure et de mon âge. […] Sous de trompeuses apparences, ma vie n’est pas faite pour inspirer l’envie ; je dirai plus, elle est finie : je ne vis pas, je survis.