Il est vrai qu’il paroîtra d’abord impossible que plusieurs personnes puissent declamer en choeur, même en supposant que leur declamation fut concertée. […] Mais parce que la chose semble impossible sur la premiere apprehension, il ne s’ensuit pas qu’elle soit telle réellement. Il seroit même temeraire d’en croire si facilement notre imagination sur les possibilitez, parce qu’on presume volontiers que les choses sont impossibles lorsqu’on ne trouve pas le moïen de les executer, et la plûpart des personnes se contentent même de donner à la recherche de ce moïen un demi quart d’heure d’attention.
M. de Maistre, qui, dans admirables pages sur l’art chrétien, s’est pris à regretter que Molière, avec sa veine, n’ait pas eu la moralité de Destouches, est tombé, contre son ordinaire, dans une inadvertance ; il a demandé là une chose impossible et contradictoire. […] Quelques-uns l’ont déjà dit : naturellement et dans la réalité, il est impossible que le duc de Richelieu, lorsqu’à la fin du second acte il se dirige à tâtons vers sa tendre proie, ne s’aperçoive pas presque aussitôt de la méprise et de la ruse. […] La scène où le duc arrive à son tour et parle sans se douter que le chevalier écoute, est très amusante et parfaite de jeu, quoiqu’elle ramène et promène trop à plaisir l’imagination sur les impossibles erreurs de la nuit. […] Le drame moderne reprend sa revanche et domine au cinquième acte : la lutte, encore une fois violente, entre mademoiselle de Belle-Isle dégagée de son serment, et le chevalier qui se croit éclairé trop tard, n’est adoucie que par l’approche du dénouement bien prévu, et par l’idée qu’il est impossible que la catastrophe ait lieu désormais.
Dans la littérature oratoire, enfin, on rencontre quelques discours, — par exemple, ceux de Démosthènes, — dont il est impossible d’altérer un seul mot sans altérer la valeur intégrale de l’œuvre. […] La difficulté de l’Histoire vient surtout de l’idée chimérique et impossible que l’on en a. […] Pour une raison ou pour une autre, Léopold Ranke a joué à l’impossible ; — l’impossible l’a tué !
S’il y a des titres, en effet, qui peuvent pousser comme des fleurs d’esprit dans les plus pauvres cervelles, il y en a d’autres qui ne sont que les fausses fleurs de la Spéculation ou de la Vanité… Je puis très bien pardonner à l’auteur d’un mauvais livre, quel qu’il soit, de m’avoir pipé avec le sien et de m’avoir fait avaler un méchant ouvrage caché sous un titre alliciant et qui s’adressait à ma friandise intellectuelle, mais il m’est impossible de pardonner à un éditeur — et par là je n’entends point le libraire — qui publie des Correspondances inédites et trompeuses sous des noms qu’on aime et auxquels la plus sympathique curiosité s’attache, et cela uniquement pour l’égoïste plaisir de camper son nom sous ces noms célèbres et d’avoir tripoté un livre de plus ! […] En dehors de l’Histoire, sans l’intérêt des faits de l’Histoire, le pauvre Sismondi, homme du monde, pédant dépaysé dans des Décamérons impossibles, voulant donner gentiment la patte aux dames et ne pouvant pas, devait être ce qu’il est en ces lettres arrachées aux rats, qui en auraient mieux joui que nous ; car, franchement, elles ne sont rien de plus qu’insignifiantes, quand elles ne confinent pas… j’oserai le mot, puisqu’il est mérité ! […] Et ce doivent être aussi des Madame de Staël et des Madame de Souza ; car il est impossible que de pareilles femmes, qui ont prouvé leur supériorité dans des livres puissants ou délicieux, n’aient pas laissé des lettres plus elles-mêmes encore que leurs écrits, et qui, pour cette raison, nous les feraient aimer et admirer davantage. […] il est impossible qu’il n’y en ait pas, et, pour mon compte, je suis parfaitement sûr qu’il y en a.
Il est impossible d’en donner une bonne raison. […] Nous ne pouvons pas admettre à la fois qu’il est impossible d’imaginer l’espace à quatre dimensions et que l’expérience nous démontre que l’espace a trois dimensions. […] S’il était impossible de s’imaginer l’un de ces termes, il serait inutile et d’ailleurs impossible de consulter l’expérience. […] Dans le 1er cas, nous pouvons aller de A à B par un chemin continu sans quitter C et sans rencontrer les coupures ; dans le second cas cela est impossible. […] Il est impossible de se représenter l’espace absolu ; quand je veux me représenter simultanément des objets et moi-même en mouvement dans l’espace absolu, en réalité je me représente moi-même immobile et regardant se mouvoir autour de moi divers objets et un homme qui est extérieur à moi, mais que je conviens d’appeler moi.