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478. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

» Décrivant un paysage du Poussin, il s’extasie sur l’idée que le peintre a eue de mettre au premier plan une femme enveloppée par un serpent, et il conclut avec assurance : « Voilà les scènes qu’il faut savoir imaginer, quand on se mêle d’être un paysagiste ! […] Mais peut-on imaginer dans un pareil endroit une conversation fine et spirituelle, une éclosion de madrigaux et de sonnets galants, des discussions sur la noblesse d’un mot ou sur une règle de grammaire ? […] J’imagine que les Suisses de la garde royale devaient rire un peu dans leurs moustaches de ces chalets d’opéra-comique et de ces bergères en souliers de satin et en robe de mousseline. […] Les merveilleuses imaginent des robes à la Minerve ou à la Cérès, des coiffures à la Vénus ou à l’Aspasie ; elles inventent aussi des syncopes à la Didon, des caprices à la Médée, des vapeurs à l’Iphigénie.

479. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Sur mes regrets, Porel nous offrait galamment son théâtre, et instantanément nous improvisions à nous trois la représentation annoncée dans les journaux, et que je trouve pour ma part joliment imaginée comme représentation d’amitié et de cœur, et dont l’argent n’avait rien à mes yeux de plus blessant pour la mémoire de Flaubert, que l’argent d’une souscription du public. […] Et lâchant sa dissertation sur l’amour, elle revient à ses caniches, à l’histoire de leurs mœurs, parlant d’un prédécesseur de la caniche ayant l’horreur des bains, et qui lorsqu’on lui en préparait un, simulait le plus admirable rhume de cerveau qui se puisse imaginer. […] Jeudi 3 novembre Quel singulier phénomène, que celui qui rend un auteur complètement dupe de ce qu’il imagine, avec tous les tâtonnements de l’imagination ! […] Mercredi 21 décembre En ses lectures, les imaginations de la femme, du côté de la cochonnerie, sont au-delà de ce qu’on peut imaginer.

480. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Il connaît dans la description prosaïque d’objets et d’âmes fictifs, imaginés tels qu’ils soient par eux-mêmes saisissants, le prix du détaillement minutieux qui eu fait apparaître l’image dans l’intelligence par le procédé même de la vision la valeur d’une composition déduite et cohérente qui ne laisse aucun échappatoire au doute, la brièveté qu’il convient de donner à une œuvre pour qu’elle ait tout son effet, les inventions originales dont il faut l’historier pour mieux piquer la curiosité, l’avantage qu’il y a à faire sourdre dans l’âme du lecteur de puissantes émotions, sans l’y solliciter expressément, mais en lui laissant la surprise de les sentir jaillir d’un récit impassible. […] Elles lui donnent une magnifique idée de la puissance de son esprit, le lui font imaginer aussi immense que le domaine de sa raison, lui persuadent lentement sa supériorité sur toutes les existences qu’il vient d’apercevoir éphémères et fortuites. […] Comme le penseur ne s’admire que pour avoir, lui existant, imaginé le terme de tout ce qu’il perçoit, il sent sourdre en lui l’envie de durer sans lin au-dessus des êtres matériels passagers ; et veut du moins que l’expression de sa pensée subsiste dans une humanité perpétuellement respectueuse et admiratrice. […] On s’en remet pour le maintien des cités aux ordonnances qui règlent la concurrence vitale, et l’on s’imagine que ce dur principe de lutte qui épuise les forts et tue les faibles, pourra fonder autre choses que des rivalités, des haines, une immense lassitude.

481. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Un moyen de satisfaire ce besoin est d’imaginer des histoires qui le rendent intéressant. […] Que l’on n’aille pas s’imaginer qu’elles ont toujours existé, mais qu’elles ont passé inaperçues. […] Ces mystiques s’imaginaient être des parents intellectuels des « primitifs », parce qu’ils peignaient, comme ceux-ci, des tableaux religieux. […] Je voudrais imaginer de cruelles façons de t’assommer, des inventions violentes et un excès de torture…. […] Par ce terme assez peu heureux qu’a imaginé la psychiatrie française, on entend des aliénés chez lesquels les états d’excitation et de dépression se suivent régulièrement.

482. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Il sert sous son ancien général Laudon au siège de Belgrade (septembre-octobre 1789) ; il l’y aide efficacement par une suite d’attaques bien ménagées, et vers la fin par une batterie imaginée à la pointe d’une île, et qui fait merveille. […] Une telle ambition est honorable : il y avait plusieurs manières possibles d’être vaincu par Bonaparte, et on en imagine qui pouvaient encore être dignes d’envie.

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