Chacun se rappelle la lutte à coups de poings et de livres qui s’engage entre les partisans du chantre et du prélat ; au moment critique, le prélat imagine une ruse de guerre : il étend le bras et bénit solennellement ses adversaires qui sont forcés de plier les genoux sous l’implacable bénédiction. […] Et cependant Jean de Meung, qui l’a continué, a fidèlement conservé l’allégorie et les personnages imaginés, par Guillaume de Lorris, qui l’a commencé ; seulement il les a animés d’un esprit différent. […] Expédient imaginé pour se soustraire aux sévérités du pouvoir. […] Peu lui importait, j’imagine, qu’un terme fût jeune ou vieux, pourvu qu’il arrivât à son adresse.
On peut imaginer qu’en quelqu’un de ces jours anciens, parmi les fêtes qui remplissaient la cité de splendeurs, quelque divin philosophe isolé dans la multitude sur les gradins de marbre d’un Panathénée, ayant été subitement étonné par la magnificence de quelque maxime qu’énonçait le protagoniste, une fois ferma les yeux aux merveilles des décorations et des chorégraphies ; et, comme l’on dit, il ferma les yeux pour mieux entendre ; en effet, aveugle aux tableaux du théâtre, il s’aperçut qu’il entendait mieux, qu’il comprenait mieux, qu’il se faisait plus fortes, plus profondes, plus belles, les sentences qui arrivaient à son oreille ; et supposons qu’à ce moment, par quelque bizarre incident, les musiques accompagnatrices des paroles et des mimiques se soient tues, alors le philosophe, n’ayant plus en son esprit que la sensation des paroles récitées et donnant à ces paroles toute l’attention de son esprit auparavant divisée aux visions et aux harmonies, médita qu’il jouissait, plus intensément de ces littératures que seules il percevait ; ainsi pouvait-il conclure que l’œuvre d’art serait plus puissante à l’émouvoir qui, au lieu d’occuper tous les moyens de perception, en occuperait un seul et, de ce fait, avec une triple intensité. […] Comment un génial parmi les artistes, en une histoire dont le cours très vaste imagine lointainement une histoire de l’art, par des recherches longuement suivies et une ardeur infatigable au mieux, entre les fortunes les plus variées et des misères fructueuses et de néfastes triomphes, — comment un artiste, des plus géniaux, ayant passé les ignorances stériles et traversé les folles ambitions, peu à peu est arrivé à se concevoir artiste et à l’être et à faire œuvre d’artiste, et à se reconnaître musicien et à le devenir et à instituer une œuvre de musique, — méditons-le en l’œuvre close de Wagner. […] Il avait imaginé ce symbole de l’or du Rhin et de Freia, et cette légende des Filles-du-Rhin, de Nibelheim, de Wotan, des Géants, de Walhall. […] Le narrateur s’éloigne rapidement des cercles des touristes, américains en particulier, pour imaginer un Bayreuth idéal dont il rêve.
Les abeilles sont le seul peuple qui l’ait conservé, parce qu’elles n’ont point encore imaginé l’excellent remède de se détruire dans sa patrie pour s’éviter l’ennui de vivre dans une terre étrangère. […] Cependant, pour établir convenablement un tel peuple sous la latitude qu’il imagine, une autre condition devient encore indispensable : c’est que cette latitude ait été autrefois d’une température meilleure, et par conséquent que notre globe se soit depuis lors considérablement refroidi, ainsi que le veulent Buffon et Mairan.
Avec quelque effort pourtant, et grâce à l’abondance des mémoires, on peut s’y naturaliser et s’imaginer encore y avoir vécu. […] On imagine bien que la sublime science du blason n’était pas oubliée dans une éducation destinée à des gentilshommes dont chacun l’aurait inventée, si elle ne l’était pas.
Imaginez une proscription à la Sylla tombant en pleine composition de L’Énéide ; cela coupe l’inspiration, si on l’avait. […] C’est là un défaut de jugement insupportable de n’avoir pas songé au temps où il écrivait, ou une présomption très condamnable de s’être imaginé que, pour entendre ce qu’il faisait, le peuple se ferait instruire des mystères de la religion païenne.