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1557. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Qui n’aurait vu celle-ci qu’en visiteur d’un jour et par les dehors aurait eu beau jeu pour donner carrière à son imagination et à son enthousiasme : « Le couvent du Val-Saint-Pierre-en-Thiérarche, nous dit le curieux pèlerin, est situé au milieu de forêts immenses qui faisaient partie de son domaine. […] Je ne saurais dire quel effet cette idée lugubre produisit sur mon cœur : une sueur froide me couvrit le front ; je me hâtai de rentrer dans mon appartement et me jetai tout habillé sur mon lit : loin d’être disposé au sommeil, les réflexions les plus accablantes se succédaient en moi jusqu’à m’effrayer, et je ne fus délivré de mon angoisse que lorsque mon domestique entra dans ma chambre. » Et désormais, chaque fois que, lui montrant sa charge commode en perspective, dom Effinger essayait de le ramener à l’idée de vie claustrale et de vœux, « l’image de ces moines, qui avaient consumé leur inutile existence à user avec leurs sandales et les manches de leurs robes les pierres de ce cloître, se dressait devant son imagination effrayée. » Sa passion pour la jeune personne qu’il espérait toujours revoir ne laissait pas d’être aussi un préservatif.

1558. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Sa mère était une personne supérieure que Sismondi plus tard n’hésitera pas à comparer à Mme de Staël, non pour le génie et le brillant de l’esprit ; Mme de Staël l’emportait par ces côtés : « Mais ma mère, dira-t-il dans la conviction et l’orgueil de sa tendresse, ne le cède en rien ni pour la délicatesse, ni pour la sensibilité, ni pour l’imagination ; elle l’emporte de beaucoup pour la justesse et pour une sûreté de principes, pour une pureté d’âme qui a un charme infini dans un âge avancé. » Cette mère, femme d’un haut mérite et d’un grand sens, dominera toujours son fils, influera sur lui par ses conseils, le dirigera même à l’entrée de la carrière littéraire et, le détournant tant qu’elle le pourra des discussions théoriques pour lesquelles il avait du goût, le poussera vers les régions plus sûres et plus abritées de l’histoire7. […] Bonstetten, l’aimable, le léger, l’étourdi, l’éternellement jeune, sur lequel glissent les années et les chagrins, que la douleur n’atteint pas, « car l’imagination est le fond de son être, c’est par elle qu’il est sensible et par elle qu’il est consolé » ; Bonstetten, qui, dans un temps loge avec Sismondi sons le même toit, et qui le taquine souvent ou le désole par ses malices, par ses pétulances, par ses frasques ; à qui ridée prend subitement un jour de demander la mère de son ami en mariage ; Bonstetten qui a au moins vingt-cinq ans de plus que lui, et que Sismondi ne peut s’empêcher cependant de regarder, comme un jeune homme qui lui serait recommandé et confié ; le même « qui oublie, il est vrai, ses amis à tous les moments du jour, mais qui, aussi, ne les abandonne jamais » ; cet espiègle qui communique quelque chose de sa vivacité et de son genre d’esprit à tous ceux qui veulent le définir, Bonstetten n’est qu’un contraste : Schlegel était une antipathie.

1559. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Après Panard et avant Béranger, Collé est un des maîtres de la rime ; il a en même temps de l’imagination, du feu, et sa gaîté ne paraît jamais à la gêne. […] Ici on touche aux bornes de l’esprit de Collé ; il ne sent pas que Rousseau a donné un heurt à l’esprit français, à l’imagination française, à bout de voie et tombés à la fin dans l’ornière, et qu’il a dû faire un grand effort, qu’il a dû mettre en avant la torche et le flambeau pour les faire avancer.

1560. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Mlle de Liron a donc aimé déjà : ce qui fait qu’elle est femme, qu’elle est forte, capable de retenue, de résolution, de bon conseil ; ce qui fait qu’elle ne donne pas dans de folles imaginations de jeune filie, et qu’elle sent à merveille qu’Ernest lui est de beaucoup trop inégal en âge, qu’il a sa carrière à commencer, et que si elle se livrait aveuglément à ce jeune homme, il ne l’aimerait ni toujours, ni même longtemps. […] Les Lettres de Lausanne sont un de ces livres chers aux gens de goût et d’une imagination sensible, une de ces fraîches lectures dans lesquelles, à travers de rapides négligences, on rencontre le plus de ces pensées vives, qui n’ont fait qu’un saut du cœur sur le papier : c’est l’historien de Mlle de Liron qui a dit cela.

1561. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Il suffisait dans chaque ville de deux ou trois jeunes imaginations un peu vives pour donner l’éveil et sonner le tocsin littéraire. […] Sans prétendre sonder, à mon tour, le secret de cette destinée de poëte et mettre la main sur la clef fuyante de son cœur, il me semble, à voir jusqu’à la fin sa solitaire imagination se dévorer comme une lampe nocturne et la flamme sans aliment s’égarer chaque soir aux lieux déserts,  — il me semble presque certain que cette jeune Fille idéale, cet Ange de poésie, celle que M. de Chateaubriand a baptisée la Sylphide, fut réellement le seul être à qui appartint jamais tout son amour ; et comme il l’a dit dans d’autres stances du même temps : C’est l’Ange envolé que je pleure, Qui m’éveillait en me baisant, Dans des songes éclos à l’heure De l’étoile et du ver-luisant.

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