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503. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Quand les profondeurs obscures de l’âme sont remuées, ce qui monte à la surface et arrive à la conscience y prend, si l’intensité est suffisante, la forme d’une image ou d’une émotion. L’image est le plus souvent hallucination pure, comme l’émotion n’est qu’agitation vaine. […] Alors, des mots tels que mécanisme et instrument évoquent des images qu’il vaudra mieux laisser de côté. […] S’il avait des visions, elles lui présentaient en images ce que sa religion lui avait inculqué sous forme d’idées. […] Son intelligence et son imagination utiliseront, pour exprimer en mots ce qu’il éprouve et en images matérielles ce qu’il voit spirituellement, l’enseignement (les théologiens.

504. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Et puis ces facultés mêmes, dont ces Images décèlent le frémissement, n’étaient-elles pas un obstacle ? […] Les voici donc ces images. […] Le roi, qui connaît notre pays, lui affirme en vain que nous sommes profondément pacifiques, et que l’image d’une France belliqueuse n’existe que dans son imagination. […] Son image est là, et celle également de l’admirable évêque dont la parole l’a célébré avec une magnificence digne du vainqueur de Rocroy. […] Ce cavalier n’est que l’image d’un des puissants du monde, qui n’a même plus devant lui la réalité des deux marbres sublimes, orgueil jadis d’une de ses maisons.

505. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Les bandes de pourpre à ces vêtements de fête, ce sont les images. […] Les romantiques ont eu ce mérite de tremper la critique dans un bain d’images, ces belles images que Sainte-Beuve a gardées de son passage dans la maison des poètes, et dont une critique vivante se passerait aujourd’hui difficilement. […] S’il y a des « mines ou des entrailles » de la critique, ce sont ces intuitions ou ces images. […] Oui, mais encore une fois cela nous apporte des images. […] Dans le monde des images il y a une image privilégiée qui est mon corps.

506. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Et le mérite de cette scène n’est pas seulement dans un ou deux jolis traits que l’on en peut détacher, il consiste aussi dans un jet qui recommence et redouble à plusieurs reprises, toujours avec un nouveau bonheur et une fertilité d’images, une verve d’expressions comme il s’en rencontre chez les bons comiques. […] À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.

507. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

L’idée qui a présidé à l’ouvrage est celle-ci ; La poésie tire son premier charme des images qu’elle emprunte à la nature ; dans nos tièdes contrées, au sein d’une civilisation toute-puissante, cette nature a peine à se faire jour et n’est pas à l’aise pour se déployer : là seulement où un climat de feu la féconde sans relâche, et où le voisinage de l’homme ne la met point à la gêne, pleine de vie et de jeunesse, elle éclate dans toute sa solennité. […] Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers.

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