Marguerite est le nom d’une fleur ; les poètes firent de la marguerite la reine des fleurs, et ce qui serait le plus souvent une fadeur de la flatterie était alors une image de sentiment. […] L’image ne sied pas moins à Marguerite de Valois : c’est encore la douceur et la pureté sans vifs reflets. […] Il est temps que ce cercle s’étende, et qu’après avoir aimé dans Marguerite de Valois et Marot l’image même de l’esprit, nous adorions enfin dans des écrivains plus rares et plus excellents l’image du génie.
Nous comparons l’image ; que nous fournit l’art avec celle que nous fournit le souvenir ; nous approuvons ou nous critiquons. […] Mais il s’y mêle, d’habitude beaucoup d’autres plaisirs d’un caractère plus sensitif : en effet, l’image intérieure fournie par le souvenir se trouve ravivée au contact de l’image extérieure, et devant toute œuvre de l’art nous revivons une portion de notre vie. […] Ce genre de plaisir en face des œuvres d’art peut être éprouvé même par des singes, qui font des grimaces de satisfaction et d’affection devant l’image d’animaux de leur espèce, qui se fâchent ou prennent peur devant celle d’autres animaux.
Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret. […] Exprimer volontiers l’idée par l’image. […] On dirait, aux réclamations et clameurs de l’école doctrinaire, que c’est elle qui est chargée de fournir à ses frais à toute la consommation d’images et de figures que peuvent faire les poètes, et qu’elle se sent ruinée par des gaspilleurs comme Pindare, Aristophane, Ézéchiel, Plaute et Cervantes. […] À chaque mot, l’image ; à chaque mot, le contraste ; à chaque mot, le jour et la nuit.
Le but que se propose la poesie du stile, est de faire des images et de plaire à l’imagination. […] Ainsi, après avoir fait voir que le latin est plus propre à faire des images que le françois, à cause de sa brieveté et de l’inversion, je montrerai encore par plusieurs raisons que celui qui compose des vers en langue latine a des facilitez pour faire des vers nombreux et harmonieux, que n’a point celui qui compose des vers en langue françoise. […] Une image terminée en six mots frappe plus vivement et fait plûtôt son effet que celle qui n’est achevée qu’au bout de dix mots. […] Pour en dire un mot en passant, on remarque que Ciceron n’osant pas mettre en oeuvre des figures frequentes dans le recit du supplice indigne d’un citoïen romain, que Verres avoit fait battre de verges, et cela par la crainte de se rendre suspect de déclamation, trouve une ressource dans la complaisance de sa langue, pour arrêter néanmoins durant long-temps son auditeur sur l’image de ce supplice.
Nous recueillîmes dans ce commerce de nouvelles images, de nouveaux rapports et d’expressions et d’idées ; nous ajoutâmes à la fécondité des mots, la fécondité des tours ; mais le goût ne présidait point encore à ce choix. […] Celle de Montaigne, par les tours, par les formes, par l’assemblage des mots et le caractère des images, a presque partout la physionomie des langues anciennes. […] Elle a plus d’images que d’idées ; elle tient plus aux organes qu’à la réflexion : il n’en est pas de même de l’éloquence. […] Telle est l’image de la révolution, que l’éloquence éprouva sous le règne de Louis XIV68.