Tantôt enfin il semble que le sentiment « humain », ordinaire, soit une conséquence de l’œuvre d’art, éveillé par elle et subordonné. […] L’intelligence humaine est trop peu systématisée, trop mal organisée encore pour que les opérations mentales d’un littérateur ressemblent souvent à celle d’une machine à compter. […] De même, tout en ignorant ce que le sort réserve à l’embryon d’un être humain, nous pouvons prédire, sans grand risque d’erreur, que l’être qui sortira de lui, s’il continue à vivre, passera par des phases d’existence connues, qu’il sera allaité avant de manger, que les cheveux lui pousseront avant la barbe, et qu’il ne se reproduira pas avant plusieurs années. […] Ici les transformations marquent de véritables inventions, mais elles ne paraissent pas s’être accomplies sans désordres, sans crises, sans tâtonnements, et sans déviations, quoique les choses ne semblent pas absolument s’être passées comme dans l’invention humaine. […] Et le monde extérieur est assez chaotique, même dans ses parties les mieux systématisées, comme les sociétés humaines, et il est un peu rude à notre intelligence fragile et facilement déviée qui s’y adapte souvent mal.
Ainsi les héros qui s’immolent pour leur patrie, sont surs de nôtre admiration, parce que, au jugement de la raison, le bonheur de tout un peuple est préferable à celui d’un seul homme, et que rien n’est plus grand que de pouvoir porter ce jugement contre soi-même, et agir en conséquence ; ainsi le courage des ambitieux nous impose, parce que, au jugement de l’orgueil humain, l’éclat du commandement n’est pas trop acheté par les plus grands périls. […] Tout ce que j’ai pû faire afin que sa cruauté excitât moins d’horreur, c’est de la donner pour un effet de l’orgüeil, et non pas pour un goût à répandre le sang humain. […] Si l’on prend ce vers dans la précision rigoureuse des termes, comme plusieurs acteurs l’ont pris, Curiace a raison de s’écrier : je rends graces au ciel de n’être pas romain, pour conserver encor quelque chose d’humain. […] Eh quelle étoit l’idée des anciens d’imaginer dans les actions humaines des crimes indépendans de la volonté ! […] Depuis on inventa des spectacles où l’on représentoit les actions et les avantures des héros ; en un mot, on fit des tragédies, mais on n’en fit qu’en musique ; et le peuple, charmé du double plaisir que produisoit l’alliance de l’harmonie et de l’imitation des actions humaines, conclut sans hésiter sur la foi de son plaisir, que c’étoit-là la forme essentielle de la tragédie.
L’idée me vint aussi que trente ou quarante mille familles en France, en Russie, en Allemagne, allaient recevoir la même nouvelle, et plus terrible encore, puisqu’un grand nombre des malheureux étendus sur le champ de bataille avaient leur père et mère ; je me représentai cela comme un grand cri du genre humain qui monte au ciel. […] car il n’y avait apparemment en ce temps-là ni Providence qui châtie la démence, ni nations qui sentent l’injure et qui vengent l’opprimé, ni vicissitudes humaines qui se retournent contre les iniquités des oppresseurs, ni histoire qui instruit les rois et les peuples !
., le reculent dans un pays lointain ce rêve, et font que le « purement humain », débarrassé de toutes contingences, nous reste seul. Et ce « purement humain », le seul personnage tout à fait vivant et vrai de ce drame, c’est Wotan.
Il me semble aussi parfois que je n’ai plus l’acuité humaine des perceptions, et que la somnolence des Limbes m’envahit. […] Elle parle en phrases douces, et non comédiennes, du désagrément de se séparer, de l’ennui de ne pas toujours continuer cette vie commune, et elle bâtit bientôt dans le rêve et l’impossible humain, une espèce de phalanstère, où l’on mêlerait ses existences jusqu’à la mort.