/ 2536
590. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Ces deux Auteurs, sans se connoître, & sans s’être communiqué leur dessein, conçurent le même projet, l’exécutèrent, & se disputèrent à l’envi le mérite & l’honneur de l’invention. […] La langue Latine, dans laquelle ils se perfectionnèrent, jusqu’à la parler avec l’élégance & la pureté la plus grande, remplaça peu-à-peu l’idiome vulgaire, & leur ouvrit le chemin des honneurs & des dignités. […] Le sang qu’on y répandoit en éloigna d’abord les femmes : mais lorsque ce sexe, sensible à la gloire autant qu’à la galanterie, fait pour n’éprouver & n’inspirer que de douces émotions, eût surmonté sa répugnance, il accourut en foule à ces spectacles ; l’honneur & l’amour devinrent l’ame de ces combats. […] Nous ne craignons point de le dire, Molière n’eût pas fait mieux ; & s’il est quelque chef-d’œuvre dont notre Théâtre Comique puisse se glorifier, la Métromanie est celui qui fait le plus d’honneur à notre siècle, & suffit pour immortaliser son Auteur. […] L’amour des Lettres, le mérite & les talens ne sont pas moins héréditaires dans cette illustre Maison, que la vertu, l’honneur & la probité.

591. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

XXVI Voici ces actes, exprimés en paroles dignes de leur grandeur : Les honneurs de la sépulture rendus à l’infortuné souverain pontife Pie VI, mort dans la captivité en France, et resté jusque-là sans sépulture royale ou pontificale à Valence : « Il est de la dignité de la nation française et conforme à son caractère de donner des marques de considération à un homme qui occupa un des premiers rangs sur la terre, des honneurs funèbres et un monument conforme au caractère du prince enseveli sans décrets. » Des envoyés dans toutes les cours où ils peuvent être reçus avec dignité sont nommés pour saisir et renouer les fils rompus des relations internationales : le général Bournonville à Berlin, M.  […] Par quelle injustice de l’histoire n’en a-t-il pas recueilli l’honneur avec le premier consul ? Cet honneur, au moins, devrait-il être partagé entre l’exécuteur et l’inspirateur de cette sagesse. […] Mais, si le traité de Fontainebleau manquait d’honnêteté, du moins ne manquait-il pas d’honneur et de vue. […] Sa mémoire négociait encore, du fond de ce cercueil, avec tous les partis, compensant les offenses par des services, les injures par des éloges, les vengeances par des honneurs, et reconnaissant tous, au moins, ainsi par leur présence, que quelque chose de grand venait de s’évanouir des conseils de l’Europe, et que la sagesse de ce monde venait de baisser d’un grand poids !

592. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Cette audace cynique fut réprimée, & l’on vit paroître la Comédie moyenne, & enfin la Comédie nouvelle, que Menandre inventa & mit en honneur. […] Dacier en donna une en prose en 1681, dont les Remarques font autant d’honneur à son érudition, que sa version en fait à son goût. […] N’est-ce point parce que Virgile a prévenu tous les esprits à l’avantage de Théocrite, en ne faisant qu’à lui seul l’honneur de l’imiter & de le copier.” […] Si jamais ce Poëte pouvoit recevoir quelque honneur en passant dans une Langue étrangere à la sienne, il l’a reçu certainement dans cette traduction. […] “La Philosophie, dont on lui fait honneur, est sans doute une belle partie ; mais c’est peut-être encore un des défauts de son Poëme.

593. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Shakespeare I2 Dans le travail entrepris par François-Victor Hugo, à l’éternel honneur de sa jeunesse, ce qui m’étonne et ce que j’honore le plus, ce n’est pas l’enthousiasme qui l’a commencé, mais la volonté qui l’a continué. […] Et quand je dis qu’il le suit, j’aurais mieux dit qu’il le précède, puisqu’il l’amène et l’introduit chez nous, puisqu’il présente le grand génie anglais à la littérature française, lui faisant honneur de notre langue et faisant honneur à notre langue du génie de Shakespeare. […] Il n’est permis à personne de confondre et de brouiller les notions nécessaires à expliquer l’homme dans la réalité de son être, fût-ce même pour faire honneur au génie de Shakespeare et plaisir à ceux qui l’aiment, mais cependant qui ne veulent pas l’aimer comme des idolâtres ou des fous ! […] Or, de tous les critiques vengeurs qui se sont insurgés à la fin pour l’honneur du génie et de la gloire de Shakespeare, nul n’est allé plus loin que Thomas Carlyle, et c’est lui qui, dans son livre bizarre sur les Héros, où il y a tant de lucidités mêlées à tant d’erreurs profondes, c’est lui qui a formulé, avec le plus de rigueur et d’audace, la thèse qui déduit le Shakespeare inconnu de ses œuvres connues, le Shakespeare moral du Shakespeare de génie, et réclamé pour tout Shakespeare les bénéfices exorbitants d’une perfection absolue. […] Prends-en l’honneur, ô Dieu !

594. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

IV Deux autres écrivains, Gerson et Gersen, ont eu l’honneur de ce livre de l’Imitation. […] La nature aime à recevoir des honneurs et des respects ; mais la grâce est fidèle à renvoyer à Dieu tout honneur et toute gloire. […] La nature cherche à savoir les secrets et à entendre des nouvelles ; elle aime à se produire au dehors et à s’assurer de beaucoup de choses par le témoignage des sens ; elle désire d’être connue et de faire des choses qui puissent lui attirer des louanges et de l’admiration : mais la grâce ne se soucie point d’apprendre des choses nouvelles ou curieuses, parce que tout cela vient de la corruption du vieil homme ; n’y ayant rien de nouveau ni de durable sur la terre ; elle enseigne donc à réprimer les sens, à éviter la vaine complaisance et l’ostentation, à cacher avec humilité tout ce qui pourrait être loué et admiré, et à rechercher en toutes choses et dans toutes les sciences l’utilité qui en peut revenir, ainsi que l’honneur et la gloire de Dieu ; elle ne veut point qu’on parle avantageusement d’elle ni de ce qui la touche ; mais elle souhaite que Dieu soit béni dans tous ses dons, comme celui qui les répand tous par pure charité. […] La nature se plaît à l’estime et aux louanges des hommes, qu’elle croit mériter : la grâce fait qu’on s’en croit toujours indigne, et qu’on rapporte à Dieu l’honneur de toutes choses ; et elle est si délicate sur ce point, qu’elle ne permet pas à une âme humble et fidèle le moindre retour volontaire de vanité sur elle-même, de peur qu’elle n’ait quelque complaisance du bien qu’elle fait. […] Parlez-moi pour consoler un peu mon âme, pour m’apprendre à réformer ma vie ; parlez-moi pour la louange, la gloire, l’honneur éternel de votre nom.

/ 2536