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2485. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

En quelques coups de vent, ces amoncellements disparaissent ; en quelques années, ces systèmes… Demandez-vous quelle grande place tiennent, maintenant, dans le respect intellectuel des hommes, tous ces capucins de cartes philosophiques tombés les uns sur les autres : Kant, Fichte, Schelling, Hégel, qui étaient pourtant, comme on dit au whist, les honneurs du jeu. […] Il ne retourne de rien moins que de l’anéantissement comme de la dernière ressource de la sagesse suprême ; — de l’anéantissement, non pas seulement de l’homme, mais de l’univers ! […] Il ne l’a pas pris du pied des prodigieuses sornettes de Schopenhauer et de Hartmann, de ces deux immenses bouffons désespérés qui veulent, de désespoir, le suicide de l’homme et de l’univers ! […] eux, n’ont rien d’humain. — Les blessés de la vie qui saignent, qui ont reçu blessures sur blessures ; — les pessimistes sensibles qui s’acharnent contre la vie, dont ils souffrent, comme la bête mord le fer qui la frappe, sont au moins des hommes. Ils peuvent manquer de force, de résignation, de courage, mais après tout, ce sont des hommes toujours !

2486. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Un homme meurt de phtisie à vingt-cinq ans, et il ne voudrait pas mourir. […] Je ne crois pas que l’homme de ces effroyables pages eût, s’il eût vécu, fait, je ne dis pas mieux, mais plus fort que cela… Créateur, s’il l’avait été, ses créations n’auraient jamais eu l’énergie du cri que pousse en lui la simple créature… Il fallait, dans une âme assoiffée de vivre comme il n’en exista peut-être jamais, la fureur et l’horreur de la mort pour exaspérer l’expression, telle qu’elle est ici, jusqu’au génie. L’homme, en ce malheureux Georges Caumont, si démoralisé par la mort, ne va pas, lui, jusqu’au génie, dans ses facultés : mais son cri monte jusque-là, — ce cri dans lequel il semble jeter ses entrailles, — ce cri qui dure deux cent quarante-six pages, toujours du même perçant, du même infatigablement suraigu ! […] Ce n’est pas neuf que la terreur de l’homme devant la mort ! […] Seulement, n’y a-t-il pas, ne peut-il pas y avoir de la beauté dans l’éclat de voix, le geste et le regard d’un fou, et n’est-ce pas cette beauté-là, qu’on trouve en ces pages, écrites contre Dieu par un homme qui ne peut se débarrasser de l’enveloppante idée de Dieu qui l’enveloppe par-dessus toutes ses tortures physiques et morales, par cet athée à l’enfer qui croit à l’enfer, par ce damné d’avant la mort, qui, dans les courts moments de sa vie, a mangé en herbe l’affreux blé de sa damnation éternelle ?

2487. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Une première, « exhumant les temps de l’homme animal, les visions de la Préhistoire ». […] Nous avons en nous, tous les hommes, deux êtres qui se tiennent ; et pourtant sont en désaccord, oh ! […] Son avocat plaida  puis le Ministère public tonna, dénonçant cet homme cultivé et Bourgeois, oui, Messieurs ! […] Or, Valette n’était pas homme à partir à la légère, il sut attendre. […] Le Vers était le mode élocutoire de l’individu pensant, de l’Homme : les idées du drame s’énonçaient par lui.

2488. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

En pourrait-on dire autant aujourd’hui de beaucoup de nos grands hommes ? […] Que l’homme connoît peu la mort qu’il appréhende, Quand il dit qu’elle le surprend ! […] Elle ne cessa d’envisager le sort, ses jeux bizarres, ses injustices, d’agiter en idée la faiblesse de l’homme, ses déceptions vaines, l’insuffisance de sa raison : Homme, vante moins ta raison ; Vois l’inutilité de ce présent céleste Pour qui tu dois, dit-on, mépriser tout le reste. […] Le pauvre homme n’y a pas trouvé son compte, et il m’avoua toute votre confidence sur cela : c’est être bien malicieux, et si j’avois loisir de vous quereller, je le ferois avec la plus grande joie du monde. […] Rousseau est bien sévère : ses Stances à lui, trop vantées, sur les Misères de l’homme : Que l’homme est bien durant sa vie, etc., sont loin de valoir le couplet philosophique de Mme Des Houlières qu’on a lu plus haut (p. 369) : Homme, vante moins ta raison… C’est le même sentiment, mais les vers sont bien autrement concis et frappés. — Sur les relations de Fontenelle et de Mme Des Houlières, il y a une note de Trublet (Mémoires sur Fontenelle).

2489. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Les injures glissent comme de l’eau sur cette peau que des gens spirituels appellent une peau d’hippopotame et qui n’est que la peau d’un brave homme. […] Seulement, avec Corneille et Molière, ce n’est que la critique de deux grands hommes par eux-mêmes. […] Puis, le romancier s’adresse à un homme isolé qui a le temps de réfléchir et de revenir sur une impression, qui n’a aucune raison d’être hypocrite, de se mentir à lui-même, d’arborer des sentiments convenables et convenus ; qui enfin n’a pas de voisins que puisse gagner, comme une contagion, son malaise ou sa révolte. […] Les hommes assemblés sont pris d’un grand besoin de justice et de moralité, précisément parce qu’ils sont assemblés et qu’un homme, en public, aime à ne manifester que les plus honorables de ses sentiments. […] Souvent, dans une pièce absurde, sans observation et sans style, s’il découvre d’aventure quelque artifice ingénieux, quelque bout de scène qui sente « l’homme de théâtre », il se récrie d’admiration.

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