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979. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez ! […] Une solution comme celle que je cherche, comme celle que nous cherchons, si vous ne l’avez pas déjà trouvée, doit être, n’est-ce pas, une théorie de la critique faisant leur juste part aux dogmes littéraires, au sentiment littéraire, à l’histoire littéraire ? Or, je vois bien ce qu’il y a de bon, ce qu’il y a de mauvais dans les dogmes seuls, dans le sentiment seul, dans l’histoire seule ; mais quand j’ai rassemblé tout ce que je vois de bon, j’ai peut-être les matériaux de l’édifice, je n’en conçois pas encore le plan. […] Son principe est incontestable, c’est que tout phénomène à sa cause ; sa méthode est sûre, c’est l’étude des faits ; ses instruments sont éprouvés : c’est l’histoire, c’est la psychologie.

980. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Par cette méthode, Calvin inaugure la controverse et l’apologétique modernes : et ainsi il y, a quelque chose de lui dans les Pensées et dans le Discours sur l’Histoire Universelle et dans la Politique tirée de l’Histoire sainte. […] Dans l’histoire de l’éloquence de la chaire, Calvin183 et ses premiers collaborateurs, Viret, Bèze, ont un grand rôle. […] Renan, Études d’histoire religieuse.

981. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Car c’est ce qu’il est, — un Arlequin parfois sublime, si vous voulez, mais un Arlequin, tout comme Carlin, le fameux Carlin dont il voulut, un jour, écrire l’histoire. […] L’histoire de César Borgia ne fut pas écrite et reste à écrire, et de tous les ouvrages de Galiani c’est celui-là qui n’est pas fait dont l’imagination se souvient le plus. Par le tour hardi de son esprit, qui méprisait la vérité bête et qui la croyait moins, à cause de sa bêtise, la vérité, Galiani était digne et peut-être capable d’écrire cette histoire qui épouvante les plumes timorées. […] C’est là un desideratum désespéré pour tous ceux qui aiment l’Histoire difficile et piquante.

982. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Le destin d’Augier — partout où vous le supposiez dans l’histoire littéraire — serait d’être toujours le caméléon de quelqu’un ; mais le caméléon malade, qui ne prend que la moitié de la couleur qu’il emprunte, et qui la dissout et la ternit en nous la renvoyant. […] Le sujet de Melænis est l’histoire vulgaire, quoique tourmentée, d’une courtisane (l’éternelle courtisane !) dont l’amant se fait gladiateur et se trouve en face d’un inceste quand il s’agit d’épouser la femme qu’il aime… Mais cette histoire, qui aurait pu être dramatique et touchante, surtout à l’heure où le christianisme, sortant comme une aurore des Catacombes, commençait de jeter, avec ses premiers rayons, dans les âmes, les troubles d’une vertu et d’une pudeur inconnus à cet effroyable monde romain qui finissait, cette histoire n’est pour Bouilhet qu’un prétexte : son vrai but, c’est de nous décrire le luxe inouï et les derniers excès d’une société dont les vices sont restés l’idéal du crime, et qui tombe, ivre-morte du sang dont elle a nourri ses murènes, sous la table de Lucullus.

983. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Il n’y a pas de sujets épiques, il n’y a que des facultés… L’épique existe ou peut exister à toutes les périodes de l’histoire, à toutes les marches des civilisations, en haut ou en bas, à tous les moments d’ascension ou de déclin des littératures. […] Et tout cela sans avoir besoin de l’histoire, quand ce bouvier inconnu ne serait pas le Rob-Roy de Walter Scott et cette buandière ignorée, la Nausicaa du vieil Homère ! […] quelques mots qui sentent leur collège, mêlés à la traduction interlinéaire, bien faite d’ailleurs, et surtout des notes, des notes dans lesquelles nous trouvons des prétentions de linguiste, de la botanique, de l’histoire naturelle et toutes sortes de choses que j’eusse mieux aimé ne pas y voir, ont donné à penser que M.  […] Enfin, est-ce qu’il y a eu quelque part dans l’histoire des langues et des littératures autre chose que des patois, avant les œuvres du Génie ?

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