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1975. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Les étrangers n’y résistent pas ; ils n’ont rien de pareil chez eux ; Lord Chesterfield la propose en exemple. « Elle roule toujours, dit-il, sur quelques points d’histoire, de critique ou même de philosophie, qui conviennent mieux à des êtres raisonnables que nos dissertations anglaises sur le temps et sur le whist. » Rousseau, si grognon, avoue « qu’un article de morale ne serait pas mieux discuté dans une société de philosophes que dans celle d’une jolie femme de Paris ». […] En 1782511 un personnage de Mme de Genlis écrit : « Il y a cinq ans je les avais laissées ne songeant qu’à leur parure, à l’arrangement de leurs soupers ; je les retrouve toutes savantes et beaux-esprits. » Dans le cabinet d’une dame à la mode, on trouve, à côté d’un petit autel dédié à la Bienfaisance ou à l’Amitié, un dictionnaire d’histoire naturelle, des traités de physique et de chimie. […] À la fin les économistes d’un côté et les parlementaires de l’autre donnent le signal. — « Vers 1750, dit Voltaire524, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, de romans, d’opéras, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore, et de disputes sur la grâce et les convulsions, se mit à raisonner sur les blés. » D’où vient la cherté du pain ? […] En 1771, dit le moqueur Besenval après l’exil du Parlement, « les assemblées de société ou de plaisir étaient devenues de petits États Généraux, où les femmes, transformées en législateurs, établissaient des prémisses et débitaient avec assurance des maximes de droit public. » La comtesse d’Egmont, correspondante du roi de Suède, lui envoie un mémoire sur les lois fondamentales de la France, en faveur du Parlement, dernier défenseur des libertés nationales, contre les attentats du chancelier Maupeou. « M. le chancelier, dit-elle529, a, depuis six mois, fait apprendre l’histoire de France à des gens qui seraient morts sans l’avoir sue. » — « Je n’en doute pas, sire, ajoute-t-elle ; vous n’abuserez pas de ce pouvoir qu’un peuple enivré vous a confié sans limites… Puisse votre règne devenir l’époque du rétablissement du gouvernement libre et indépendant, mais n’être jamais la source d’une autorité absolue. » Nombre d’autres femmes du premier rang, Mmes de la Marck, de Boufflers, de Brienne, de Mesmes, de Luxembourg, de Croy, pensent et écrivent de même […] Lacretelle, Histoire de France au dix-huitième siècle, V, 2.

1976. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Cette énorme chimère en dix livres se résume dans cinq ou six énormités aussi paradoxales qu’impraticables ; c’est le contrepied de la nature, de l’expérience et de l’histoire : un monde renversé. […] Mais, même pour un si petit espace, la politique, pour être applicable, devait se mouler sur la nature, sur l’histoire, sur les traditions, sur les habitudes du peuple de Solon. […] Aussi voyez son histoire : ce n’est pas celle d’un peuple, c’est celle de vingt peuples successifs et contradictoires ; il n’y a d’unité en elle que l’unité de patriotisme. […] XXXVIII La nature des différents gouvernements connus, depuis l’origine de l’histoire jusqu’à nos jours, est donc un démenti perpétuel aux théories politiques de Platon. Si le vrai philosophe taille ses institutions sociales sur le patron de la nature humaine, il taille aussi ses institutions politiques sur le patron de l’expérience et de l’histoire.

1977. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Dargaud l’a fait dans son Histoire de la reine d’Écosse. […] Le français, l’italien, le grec, le latin, l’histoire, la théologie, la poésie, la musique, la danse se partageaient, sous les plus savants maîtres et sous les plus grands artistes, ses études. […] L’histoire à cet égard n’a que des conjectures, mais la passion renaissante ou continuée de Marie Stuart pour son favori fait présumer qu’elle n’accepta Darnley que pour conserver Rizzio. […] Il faut remonter jusqu’à l’empire romain pour retrouver, dans l’histoire des scandales du trône, un tel avilissement de la majesté royale dans le prince, une telle ostentation d’infidélité dans l’épouse. […] Le poëme n’approche pas de l’histoire ; toujours la nature, qui est le souverain poëte, dépasse la fiction par la vérité.

1978. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Oui, dit-il, M. de Voltaire vir est omnimodè doctus ; la Poésie, l'Histoire, la Physique, les Mathématiques, la Médecine, l'Histoire Naturelle, la Critique, tout est de son ressort. […] C'est grand dommage qu'il ait écrit l'Histoire ! […] nous écrivons différemment l'Histoire. […] S'il est foible en quelque chose, ce n'est pas, selon moi, dans l'Histoire, mais dans ce qui a rapport au physique de l'Homme, à la constitution animale de notre espece ; car il donne presque toujours à gauche toutes les fois qu'il raisonne sur ces matieres.

1979. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Trop souvent nous parlons de nos sentiments de plaisir et de peine comme s’ils naissaient vieux, comme si chacun d’eux n’avait pas son histoire. […] Dans les « histoires sans paroles » que crayonnent les dessinateurs comiques, il y a souvent un objet qui se déplace et des personnes qui en sont solidaires : alors, de scène en scène, le changement de position de l’objet amène mécaniquement des changements de situation de plus en plus graves entre les personnes. […] Que l’histoire d’un individu ou celle d’un groupe nous apparaisse, à un moment donné, comme un jeu d’engrenages, de ressorts ou de ficelles, cela est étrange, sans doute, mais d’où vient le caractère spécial de cette étrangeté ? […] L’histoire du persécuteur victime de sa persécution, du dupeur dupé, fait le fond de bien des comédies. […] Faites maintenant que Tartarin soit rivé à la propre chaîne de Bonivard et que les deux histoires paraissent un instant coïncider, vous aurez une scène très amusante, une des plus amusantes que la fantaisie de Daudet ait tracées.

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