La modération même des idées de l’auteur ôte à son expression, souvent heureuse, l’originalité qu’elle aurait en s’isolant davantage et en se tranchant avec netteté. […] Ces simples paroles qu’il a replacées depuis dans un discours public, mais dont on a ici la clef, nous rendent au vrai la définition des deux natures, et Portalis, sans y viser, s’y peignait fidèlement dans les derniers mots aussi bien que dans les suivants : La sagesse est l’heureux résultat de nos lumières naturelles et des leçons que nous recevons de l’expérience.
L’abbé Gerbet, s’il voulait s’y appliquer, et si sa nature physique le lui permettait avec suite, eût composé sans doute plus d’un de ces dialogues heureux : il a en lui ce qu’il faut pour être l’homme des Tusculanes chrétiennes. […] Partout il est le même : figurez-vous une démarche longue et lente, un peu penchée, dans une paisible allée où l’on cause à deux du côté de l’ombre, et où il s’arrête souvent en causant ; voyez de près ce sourire affectueux et fin, cette physionomie bénigne où il se mêle quelque chose du Fléchier et du Fénelon ; écoutez cette parole ingénieuse, élevée, fertile en idées, un peu entrecoupée par la fatigue de la voix, et qui reprend haleine souvent ; remarquez, au milieu des vues de doctrine et des aperçus explicatifs qui s’essaient et naissent d’eux-mêmes sur ses lèvres, des mots heureux, des anecdotes agréables, un discours semé de souvenirs, orné proprement d’aménité : et ne demandez pas si c’est un autre, c’est lui.
Lorsque nous lançons sur l’Océan notre petite flottille dont les embarcations sont frétées pour différents ports, nous espérons pour chacune un heureux voyage ; mais les vents contraires, les bancs cachés, les tempêtes et les ennemis entrent pour une part dans la disposition des événements ; et, quoiqu’il en résulte un mélange de désappointement et du mécompte, toutefois, considérant le risque pour lequel nous ne pouvons avoir aucune assurance, nous devrions nous estimer heureux si quelques-unes retournent à bon port.
Mérimée a de même été très original dans son Essai sur la guerre sociale ; il a été moins heureux, selon moi, pour son Catilina. […] Pour peindre la douceur de l’habitude, par exemple, M. de Musset dira : Les amants qui ne se voient qu’à de longs intervalles ne sont jamais sûrs de s’entendre ; ils se préparent à être heureux, ils veulent se convaincre mutuellement qu’ils le sont, et ils cherchent ce qui est introuvable, c’est-à-dire des mots pour exprimer ce qu’ils sentent.
Avoir trouvé un nouveau sentiment chrétien séparé du dogmatisme, c’est encore une des nouveautés heureuses et bienfaisantes de Jean-Jacques Rousseau. […] Nisard sur la littérature contemporaine depuis Chateaubriand jusqu’à nos jours, que l’on voit la différence de la nouvelle critique classique avec la critique de l’école impériale, fermée à toutes les beautés nouvelles et aussi injuste qu’aveugle pour les hardiesses heureuses de la littérature de notre temps.