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222. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Seulement, parce qu’il était moraliste, comme doit l’être tout romancier, et qu’il ne s’agissait pas uniquement pour lui de peindre avec grandeur des mœurs poétiques et simples auxquelles une intelligence, que nous n’avons pas craint d’appeler épique, a donné la plus héroïque des tournures, l’auteur du Marquis des Saffras ne s’est pas concentré dans la sphère où l’auteur de Miréio est resté, et ses paysans primitifs n’ont plus été ces vanniers, ces pâtres, ces matelots revenus des guerres, ces conducteurs de cavales, ces toucheurs de bœufs, campés sur des reins d’Hercule, comme les héros d’Homère, dans un ciel d’un bleu olympien. […] Cet homme, en effet, ce potier-terrailler qui est de la montagne et qui s’appelle Espérit, EIzear Siffrein Veran Espérit, citoyen de Lamanosc, n’est autre que le héros du livre, le Marquis des Saffras, un sobriquet qu’il tenait de sa maison adossée à ces rochers de sable qu’on appelle dans le pays des saffras. […] M. de La Madelène a fait de son héros un inventeur.

223. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

L’orateur s’élance avec le héros ; il en a l’impétuosité comme la grandeur. […] « Jetez les yeux de toutes parts : voilà tout ce qu’a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros ; des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus, des figures qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant, et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine ; pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros ! 

224. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

La Société des gens de lettres, à qui il causa jadis tant de soucis, l’adopte comme le premier héros de son histoire, le plus grand saint de son martyrologe. […] Tous deux personnifient, en littérature et ailleurs, une des doctrines de l’époque, qui divinise en Balzac ses propres tendances : le culte du superflu et le mépris du nécessaire ; l’envie d’être un héros et une héroïne pour se dispenser d’être simplement un honnête homme et une honnête femme. […] Nous ne dirons rien ou presque rien de la Cousine Bette, et de madame Marneffe, l’infâme héroïne de ce livre. […] ce qu’ils font est l’œuvre auguste : Ces histrions sont des héros ! […] Il réunit, dans un type violent, gigantesque et sans harmonie, quelque chose du barbare, du Romain, du Grec, de l’Oriental, du vieillard, de l’enfant, du héros païen et du héros chrétien ; il est, au plus haut degré, un grand homme byzantin.

225. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il y a bien des aventures, aussi, dont Gil Blas est le vrai héros, et dont la suppression ne ferait rien perdre à l’ouvrage. […] Il est d’usage de louer l’invention du caractère de Gil Blas : ce garçon qui est si peu héros de roman, bon enfant, sans malice, sans délicatesse, sans bravoure, mais admirablement résistant par le manque même de profondeur, qui ne prend jamais la vie au tragique, qui se relève et se console si vite de toutes ses disgrâces, toujours tourné vers l’avenir, jamais vers le passé, toujours en action, jamais rêveur ni contemplatif, que l’expérience mène rudement de la vanité puérile à l’égoïsme calculateur, et qui finit par s’élever assez tard à une solide encore qu’un peu grosse moralité ; ce personnage-là, dit-on, c’est notre moyenne humanité. […] D’autre part, Marivaux a été chez nous un des fondateurs de la sensibilité littéraire : la satire se retire devant l’attendrissement ; surtout dans la Vie de Marianne, le touchant, le pathétique abondent ; l’héroïne est un cœur sensible, et toutes les pages importantes de sa vie sont trempées de larmes. […] Autour du couple, mettons les convoitises des hommes qui ont de l’argent, la cupidité brutale d’un soldat ivrogne, joueur, escroc, frère de Manon, qui s’en fait l’exploiteur : nous aurons ce roman réel plutôt que réaliste, pathétique sans déclamation, expressif sans dessein pittoresque, et qui, malgré le sujet, malgré les héros, malgré les milieux, reste chaste ; l’auteur n’a eu aucune pensée brutale ou polissonne : il n’a vu que la puissance de la passion qu’il voulait peindre.

226. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

de Mme de Longueville en personne, oui, de cette sœur du Grand Condé, de cette beauté aux langueurs incomparables, qui, après avoir été une héroïne de la Fronde, est devenue un modèle de pénitence. […] En un mot, il croit que la femme maigre était assez bonne pour les héros de Rossbach et pour les philosophes sensualistes du xviiie  siècle, tandis que les héros de Rocroi et les contemporains spiritualistes de Descartes avaient droit à des beautés plus réelles, et à plus de solidité comme dirait Mme de Sévigné ; et, comme dit encore le proverbe, « Tant moins ils en voulaient, tant plus ils en avaient. » Le buste de Mme Du Barry protesterait au besoin contre cette théorie dont M.  […] Quoi qu’il en soit, La Rochefoucauld pour lui est le grand adversaire et le rival qui, il y a deux siècles, l’a supplanté : aussi lui impute-t-il tous les torts de celle qu’il eût sans doute bien mieux dirigée en sa place : « Je mets, dit-il en parlant de l’héroïne de la Fronde, je mets tous ses mouvements désordonnés sur le compte de l’esprit inquiet et mobile de La Rochefoucauld.

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