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194. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Le récit des guerres médiques n’est-il pas une sorte de poëme non-seulement pour le langage, qui rappelle Homère, mais surtout pour le fond des choses ? […] On reconnaît dans les chefs et les soldats des guerres médiques les fils des héros de l’Iliade ; c’est une histoire tout épique, une chronique héroïque mêlée d’anecdotes qui en redoublent l’effet moral. […] Il n’y a plus trace de poésie dans l’histoire de la guerre du Péloponèse. […] C’est un politique expliquant tous les faits qu’il raconte par la nature des institutions, par le rôle des partis, par le conflit des intérêts et le jeu des passions, par l’éloquence des hommes d’État et la tactique des hommes de guerre. […] Les orateurs, les hommes d’État, les hommes de guerre, avaient donc une action très-grande sur les destinées de la république.

195. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Guerre et Paix ne nous présente pas d’explication. […] Tous trois ont reçu, en deux sens différents, leur impulsion de la guerre. […] C’est ainsi que Zola, dans La Débâcle, a compris la guerre de 1870. […] Ils voient toujours cette guerre culottée de rouge. […] Dans ses livres de guerre il était sorti de lui, sorti aussi de la guerre par chacune de ses phrases, qui, en tournant le dos à la guerre ; devenaient pour nous le type de la littérature de guerre ; ainsi, de ceux qui disputaient à qui verrait le premier le soleil levant, le gagnant fut celui qui regarda vers le couchant et aperçut les montagnes occidentales touchées par les premiers rayons.

196. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Puisque des Latins nous sommes revenus aux Grecs, remarquons que cette nation vaine en se répandant dans le monde, y célébra partout la guerre de Troie et les voyages des héros errants après sa destruction, des héros grecs, tels que Ménélas, Diomède, Ulysse, et des héros troyens, tels que Anténor, Capys, Énée. […] Tacite nous apprend que les lettres latines furent d’abord semblables aux plus anciennes des Grecs, ce qui est une forte preuve que les Latins ont reçu l’alphabet grec de ces Grecs du Latium, et non de la Grande-Grèce, encore moins de la Grèce proprement dite ; car s’il en eût été ainsi, ils n’eussent connu ces lettres qu’au temps de la guerre de Tarente et de Pyrrhus, et alors ils se seraient servis des plus modernes, et non pas des anciennes. […] Cependant toute tradition vulgaire doit avoir originairement quelque cause publique, quelque fondement de vérité.… Ce sont les Grecs qui, chantant par tout le monde leur guerre de Troie et les aventures de leurs héros, ont fait d’Énée le fondateur de la nation romaine, tandis que, selon Bochart, il ne mit jamais le pied en Italie, que Strabon assure qu’il ne sortit jamais de Troie, et qu’Homère, dont l’autorité a plus de poids ici, raconte qu’il y mourut et qu’il laissa le trône à sa postérité. Cette fable, inventée par la vanité des Grecs et adoptée par celle des Romains, ne put naître qu’au temps de la guerre de Pyrrhus, époque à laquelle les Romains commencèrent à accueillir ce qui venait de la Grèce.

197. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Qui n’a salué en lui toute une race de vaillants, et la plus aisée à reconnaître, brave, glorieuse, évidemment née pour la guerre, avide des occasions, impatiente de les faire naître, toujours en avant, en dehors, confiante, brillante, la plus prompte au danger, mais ardente aussi à l’honneur et à la récompense ? […] Un officier de la 18e, le capitaine Motte, commandant un fort au débouché du Tyrol, se laisse intimider par les sommations de l’ennemi, lors des premiers succès de Wurmser ; il livre le passage et se rend prisonnier de guerre : Sans cette malheureuse circonstance, le mouvement des Autrichiens eût été retardé de quelques heures. […] Il fait la campagne d’Iéna ; mais des circonstances indépendantes de la volonté des chefs empêchent la division Legrand de donner dans cette guerre autant qu’elle l’aurait voulu. […] si vous me répétez encore la proposition que vous faisiez il n’y a qu’un instant, je vous fais arrêter, et vous savez quel est le sort réservé aux personnes qui se laissent traduire pour ce fait devant le conseil de guerre. » Je n’avais pas terminé, que mon homme était déjà loin. […] Son récit ne s’arrête pas là, à cette fin des grandes guerres, il s’étend aux Cent-Jours, à la Restauration et au régime qui a suivi.

198. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le succès de cette opération combinée paraissait infaillible, et devait décider du sort de la guerre. […] Une note du ministère de la guerre, rédigée au lendemain de sa mort, nous apprend qu’il était le dernier de quatre frères, tous militaires et morts au service. […] L’espoir d’un prochain secours ranima les cœurs les plus abattus… » (Jomini, Histoire des Guerres de la Révolution, tome XIII, p. 223.) […] Le Dépôt de la Guerre possède sur lui le dossier le plus complet, d’où l’on tirerait une notice d’un caractère tout à fait neuf et original. […] Le dossier de Franceschi au Dépôt de la Guerre contient un extrait de l’acte de mariage du général, daté du 15 février 1808 ; mais il s’y remarque une circonstance singulière : c’est que l’âge du contractant y est tout à fait dissimulé.

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