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1635. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Et la grandeur des conséquences fait qu’il devient émouvant de les voir sortir de si petites causes et si accidentelles, — et comme tout s’enchaîne, et comme tout est fatal ; — ou providentiel. […] L’intransigeance, l’intrépidité, l’insolence du paradoxe finit par avoir une espèce de grandeur. […] Quoi qu’il en soit, ce qui dans le Discours sur l’inégalité a probablement le plus secoué le beau monde, et ce qui a le plus agi quarante ans plus tard, ce sont probablement des lieux-communs emphatiques ou violents comme ceux-ci (j’en indique seulement le début et comme la première modulation) : Sur la liberté : Comme un coursier indompté hérisse ses crins, frappe la terre du pied et se débat impétueusement à la seule approche du mors, tandis qu’un cheval dressé souffre patiemment la verge et l’éperon, l’homme barbare ne plie point la tête au joug que l’homme civilisé porte sans murmure, et il préfère la plus orageuse liberté à un assujettissement tranquille… Sur les riches : … Je prouverais enfin que, si l’on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l’obscurité et la misère, c’est que les premiers n’estiment les choses dont ils jouissent qu’autant que les autres en sont privés et que, sans changer d’état, ils cesseraient d’être heureux, si le peuple cessait d’être misérable… Sur les tyrans : … C’est du sein de ce désordre et de ces révolutions que le despotisme, élevant par degrés sa tête hideuse, et dévorant tout ce qu’il aurait aperçu de bon et de sain dans toutes les parties de l’État, parviendrait enfin à fouler aux pieds les lois et le peuple, et à s’établir sur les ruines de la république… Et enfin il y a, partout répandu dans ces pages d’où est absent « l’esprit de finesse », ce culte stupide de l’égalité que nous retrouverons dans le Contrat social, et qui porte en lui une grande force de propagande parce qu’il répond moins au sentiment de la justice qu’aux instincts envieux. — En somme, on voit déjà dans ce second Discours (et mieux que dans le premier) que c’est bien Rousseau qui donnera le ton à la Révolution et qui approvisionnera les hommes de 93 de clichés et de lieux-communs, semeurs de haines aussi aveugles que ces lieux-communs sont brutaux et sommaires. […] Et cependant Jean-Jacques veut garder l’allure d’un homme libre, que les grandeurs n’éblouissent point.

1636. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Quand elle sera capable de nous retracer la vie d’un peuple, dans le sens que nous indiquons, on verra qu’aucun récit ne présente autant d’intérêt, d’enseignement et de grandeur. » Je n’y contredis point. […] Il a fait sagement, à l’exemple des vieux maîtres, car de la sorte le bon ermite nous intéresse plus vivement ; nous comprenons mieux la grandeur de sa vertu. […] Ce qui fait l’originalité et la grandeur de sa vie, c’est qu’on y rencontre un extraordinaire mélange d’extatisme et d’activité ; contraste qui se retrouve, à treize siècles de distance chez sainte Thérèse. […] L’intervalle de cette studieuse existence est rempli par des œuvres de roman et de théâtre dont une, tout au moins, Servitude et Grandeur militaires est un pur chef-d’œuvre.

1637. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

On y a vu la richesse, les grandeurs, les plaisirs, le bien-être sous toutes les formes, poursuivis avec âpreté, quelquefois avec cynisme. […] Joubert dit de lui, avant le temps des grandeurs, il est vrai, que c’était « un aimable enfant. » Jean-Jacques Ampère assure que sa mélancolie « qui demeurait reléguée dans les hautes régions de son imagination, ou peut-être se cachait dans les secrètes profondeurs de son âme, ne troubla jamais l’agrément de son commerce. » Croyons donc qu’il y avait deux faces dans Chateaubriand : l’une volontiers amère et désespérée, l’autre plus sereine et enjouée à son heure. […] Homme extraordinaire par la hauteur, par l’énergie du caractère autant que par le don de poésie, mais se rapprochant du vulgaire par ses passions, il présente un mélange d’éléments disparates qui ne sont pas également avouables, mais il a cherché à s’entourer aux yeux du public d’une grandeur idéale et n’a pas craint d’en emprunter le caractère à un type maudit. […] Il reste dans le monde et n’y voyant que bassesse, alors qu’il ne rêve que grandeur d’âme, il le prend en dédain. […] » — « 1er février 1838 : jour nébuleux, sombre, triste, au dehors et au dedans. » — « 27 mai 1838 : Ce n’est pas facile de bien faire, d’atteindre le beau, si haut, si loin de notre pauvre esprit ; on sent que c’est fait pour nous, que nous avons été là, que cette grandeur était la nôtre et que nous ne sommes plus que les nains de l’intelligence ; chute, chute qui se retrouve partout ! 

1638. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

J’ai déjà touché ceux qui en résultent par rapport aux mœurs ; mais je veux parler ici d’un autre qui n’est que trop commun, surtout dans les lieux où on élève beaucoup de jeune noblesse : on leur parle à chaque instant de leur naissance et de leur grandeur, et par là on leur inspire, sans le vouloir, des sentiments d’orgueil à l’égard des autres. […] en roi…Qu’il mourût… Dieu dit : que la lumière se fasse, et elle se fit… et tant d’autres morceaux sans nombre seront toujours sublimes dans toutes les langues : l’expression pourra être plus ou moins vive, plus précise selon le génie de la langue ; mais la grandeur de l’idée subsistera tout entière.

1639. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Ils savoient qu’on n’est vraiment heureux qu’en se dégageant des entraves de la grandeur, & que pour bien savourer un mets, il être en liberté. […] L’officier me dit très-sensément, que Voltaire quinze ans plus tard, se seroit comporté bien différemment, qu’alors entraîné par une véhémence dont il n’étoit pas maître, il se jouoit des égards, voulant que tout pliât à son gré, & s’imaginant qu’un grand poëte étoit au-dessus de tous les rois, comme s’il n’y avoit pas différentes especes de grandeur, & que celle d’auteur fût comparable à celle du monarque. […] Il est rare que la grandeur se soutienne dans les détails. […] Par ce moyen, on apprendroit à l’homme que la grandeur ne vient pas de ses vêtemens, mais de lui-même, & des rapports qu’il a nécessairement avec le grand Etre dont il émane… De l’argent, on n’en toucheroit donc point ?

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