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732. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

La légèreté, la facilité, les grâces, tout ce qui fait de M. de Voltaire un philosophe si séduisant et le premier bel esprit du siècle, tout cela convient peu à la dignité de l’histoire. […] En France, il salue donc comme incomparable le siècle de Louis XIV ; et, au xviiie  siècle, il ne trouve qu’une classe d’hommes supérieurs et d’une espèce particulière, la seule qui manquât au grand siècle : « Je les appellerai volontiers philosophes de génie : tels sont M. de Montesquieu, M. de Buffon, etc. » Voltaire est le seul des littérateurs purs et des poètes qui soutienne le vrai goût par ses grâces., son imagination et sa fertilité naturelle : mais, selon Grimm il ne fait que soutenir ce qui fléchissait déjà. […] On le voit, on l’entend gardant jusque dans les salons cette voix de gourdin qu’il tenait de sa première hantise dans les cafés ; homme d’esprit d’ailleurs, mais qui n’a point su s’élever au-dessus d’un certain niveau, qui s’est avisé de publier ses Considérations sur les mœurs, un an ou deux après la première édition de L’Esprit des lois, c’est-à-dire « au moment où l’arène était occupée par deux ou trois athlètes de la première vigueur, ou d’une grâce et d’une agilité merveilleuses : il fallait venir cinquante ans plus tôt ».

733. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Tout type de grâce vraiment attirante doit mériter qu’on lui applique les vers du poète : Ton accent est plus doux que ta voix : ton sourire Plus joli que ta bouche, et ton regard plus beau Que tes yeux : la lumière efface le flambeau. […] Point de broderies ni d’ornements : un péplum jeté sur le corps de la déesse ; mais ce vêtement forme des plis infinis, dont chacun a une grâce qui lui est propre et qui pourtant se confond avec la grâce même des membres divins.

734. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Quand il lui faut décrire un objet ou un ensemble, noter un dialogue, exprimer une idée, il ne tente pas de choisir, entre les termes exacts possibles, ceux doués de qualités communes indépendantes de leur sens, la sonorité et la splendeur comme chez Flaubert, le mouvement et la grâce comme chez les de Goncourt, la rudesse cladélienne ou la noblesse et le mystère de M.  […] L’étal de la Sarriette, la vitrine de la belle Lisa, la fromagerie, les poissons d’eau douce de Claire Méhudin, les gibiers et les volailles, sont décrits en des paragraphes pleins de faits, que résume une phrase-thème, de volupté, d’obscénité, de perfidie, de grâce, de fermentante chaleur. […] Lebigre surveillant les conspirateurs de son arrière-boutique, les marchandes, de Glaire Méhudin, en sa grâce sommeillante, à la bilieuse Mme Lecœur, Pauline et Muche galopinant sous l’œil acéré de Mlle Saget, constituent un magnifique et divers ensemble de créatures toutes humaines.

735. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

L’invention et la découverte, mais au prix de l’erreur, voilà le don du génie : c’est un rayon sacré, c’est une grâce divine. Heureux ceux qui ont reçu cette grâce, quelle que soit la rançon qui la paye ! […] Dans l’ordre de la pure philosophie, Leibniz, de tous les modernes est le plus près des anciens pour avoir uni le génie dans les systèmes à l’ouverture de l’esprit, et avoir recueilli le plus d’idées possible, sans les violenter pour les faire entrer de force dans un cadre artificiel et fermé : s’il n’a pas la grâce des Grecs, il en a la liberté.

736. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La physionomie entière exprime noblesse, dignité, et, dès qu’elle s’anime, la grâce unie à la force, la joie qui naît d’une nature saine, la franchise et la bonté, parfois aussi le feu et l’ardeur. […] Elle a fondé un établissement qui porte son nom, destiné aux jeunes filles incurables. — Il faut l’avoir vue, me dit-on, au milieu de cette enfance, partout ailleurs aimable, ici disgraciée, qui n’a que des laideurs et des misères à offrir : elle apparaît et console. — Sa maison est une sorte de ministère des grâces.

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