/ 1404
314. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

De son côté, le Gouvernement lui-même, craignant que ces honneurs populaires n’anticipent sur les honneurs dont il se réserve jalousement l’initiative, prépare ses armes, ses drapeaux, ses temples, ses pompes. […] On demande une revanche, un autre coup de dé au dieu des armées ; on reproche Moscou, Leipsick, Waterloo à Louis XVIII, et l’on dit dans son délire à ce malheureux gouvernement : « C’est toi qui m’as blessé ! […] La poésie politique, la poésie de parti surtout, est obligée de chanter souvent le sophisme et le mensonge convenus des gouvernements ou des oppositions, pour que ses vers servent d’armes offensives ou défensives au gouvernement qu’elle sert ou aux oppositions qu’elle caresse. […] D’ailleurs la chanson joviale ou politique, la chanson à boire ou la chanson à tuer un gouvernement, n’était pas entièrement une langue étrangère pour ce jeune poète de 1810 à 1820. […] Il sacrifiait ses intérêts de banque à ses affections d’homme de parti ; il encourait, pour ses amis de l’aristocratie, les procès, les exils, les prisons du gouvernement républicain.

315. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Esprit et cœur, sa République est en tout le paradoxe de Dieu, le contrepied de la nature, le roman de l’homme, depuis l’égalité des biens, aussi impossible à réaliser que le niveau constant des vagues sur la surface incessamment mobile de l’Océan ; depuis la communauté des produits, produits aussi impossibles à répartir qu’à créer, puisque la répartition suppose l’infaillibilité divine dans le gouvernement, et que le produit lui-même suppose l’uniformité du travail dans l’oisif, qui consomme sans rien faire, et dans l’homme laborieux, qui travaille sans salaire ; depuis la destruction de la famille, ce nid générateur et conservateur de l’espèce humaine, pour remplacer le père et la mère par une maternité métaphysique de l’État, qui n’a pas de lait, et par une paternité métaphysique de l’État, qui n’a pas d’entrailles ; depuis la communauté des femmes, qui change l’amour en bestialité, jusqu’à la communauté des enfants, qui détruit la piété filiale en défendant aux enfants de connaître leur père ; depuis le meurtre des nouveau-nés mal conformés, pour épurer la race, jusqu’au meurtre des vieillards, pour écarter des yeux le spectacle de la décadence et la céleste vertu de la compassion. […] On comprend, en lisant cette législation des songes, que Louis XIV, cet esprit simple, et Bossuet, ce génie de l’autorité, éloignèrent Fénelon du gouvernement des peuples et de l’éducation des princes. […] Bientôt il entre en querelles épistolaires avec les membres du gouvernement de Genève qui ont condamné ses principes religieux ; et, pour leur prouver son christianisme, il abjure le catholicisme et se convertit dogmatiquement et pratiquement au calvinisme sous la direction du pasteur du village. […] Il n’a que le temps d’y rêver une félicité pastorale dans l’oisiveté d’un philosophe contemplatif ; le gouvernement de Berne menace de l’expulser : il supplie ce gouvernement de le faire enfermer à vie, pour qu’au prix de sa liberté, il jouisse au moins d’un asile en Suisse. […] On conçoit que des esprits sains, exercés par de longues années de vie publique, écrivent dans leur maturité des tables de la loi, des codes sociaux, des commentaires sur les gouvernements des nations, appropriés aux caractères, aux mœurs, aux traditions, aux âges, à la situation géographique des États, aux circonstances, même politiques, des peuples dont ils éclairent les pas dans la route de leur civilisation.

316. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Dans la seule province de Normandie, je trouve des séditions en 1725, en 1737, en 1739, en 1752, en 1764, 1765, 1766, 1767, 1768619, et toujours au sujet du pain. « Des hameaux entiers, écrit le Parlement, manquant des choses les plus nécessaires à la vie, étaient obligés, par le besoin, de se réduire aux aliments des bêtes… Encore deux jours et Rouen se trouvait sans provisions, sans grains et sans pain. » Aussi la dernière émeute est terrible, et, cette fois encore, la populace, maîtresse de la ville pendant trois jours, pille tous les greniers publics, tous les magasins des communautés  Jusqu’à la fin et au-delà, en 1770 à Reims, en 1775 à Dijon, Versailles, Saint-Germain, Pontoise et Paris, en 1782 à Poitiers, en 1785 à Aix en Provence, en 1788 et 1789 à Paris et dans toute la France, vous verrez des explosions semblables620  Sans doute, sous Louis XVI, le gouvernement s’adoucit, les intendants sont humains, l’administration s’améliore, la taille devient moins inégale, la corvée s’allège en se transformant, bref la misère est moindre. […] Éclairé par son instinct féodal et rural, le vieux gentilhomme juge du même coup le gouvernement et les philosophes, l’Ancien Régime et la Révolution. […] Pour les remettre en valeur, il faut en céder la propriété ; nul autre moyen de rattacher l’homme à la terre  Et le gouvernement aide à l’opération : ne percevant plus rien sur le sol abandonné, il consent à retirer provisoirement sa main trop pesante. […] Correspondance par Metra, I, 338, 341. — Hippeau, le Gouvernement de Normandie, IV, 62, 199, 358.

317. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le gouvernement doux et fraternel de cette maison déclina, comme toutes les choses humaines, et finit par devenir un fief impérial de la maison d’Autriche, une espèce de noviciat du trône impérial, où les héritiers présomptifs de l’empire s’exerçaient à régner. Joseph II, Léopold, influencés par la douceur traditionnelle du gouvernement des Médicis, y régnèrent par des lois de Platon. […] On n’a pas pu trouver un prétexte pour détrôner sa modération et sa vertu ; il aurait été le type d’un gouvernement fédéral en Italie. […] Aussitôt que Laurent eut cessé de vivre, à peine pourrais-je vous dire avec quelle humanité et quelle gravité notre Pierre reçut tous les citoyens qui affluaient dans sa demeure ; comme il fut convenable et même caressant dans les diverses réponses qu’il fit aux condoléances, aux consolations et aux offres de service ; et bientôt quelle adresse, quelle sollicitude il montra dans l’arrangement des affaires de famille ; comment il secourut et releva tous ses amis frappés par ce grand malheur ; comment le moindre d’entre eux, celui-là même qui lui avait fait de l’opposition dans l’adversité, fut relevé dans son abattement, ravivé, encouragé ; comment, dans le gouvernement de la république, il suffit à toutes choses, au temps, au lieu, aux personnes, et ne se relâcha en rien.

318. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Le Télémaque est le point de départ de la réaction contre le gouvernement de Louis XIV. Fénelon eut beau se défendre de toute intention satirique : spontanément, en suivant sa nature, il avait appris à son élève à haïr la politique de son aïeul ; et les principes de gouvernement dont il l’avait imbu, étaient justement le contraire de l’esprit qui animait Louis XIV. […] Fénelon rêve une royauté féodale, appuyée sur la noblesse qu’on relèverait, et partageant avec elle le gouvernement de l’État, une royauté pacifique, économe, ennemie du luxe et de l’industrie ; on établirait des lois somptuaires rigoureuses ; à Salente, le costume même de chaque classe est déterminé. […] On appelle ainsi le résumé des conversations politiques que Fénelon eut à Chaulnes en novembre 1711 avec le duc de Chevreuse, et d’où sortit tout un plan de gouvernement qui devait être présenté au duc de Bourgogne.

/ 1404