C’est pour avoir supprimé ce second rôle, celui du conseiller, du critique sincère et de l’homme de goût à consulter, c’est pour avoir réformé, comme inutiles, l’Aristarque, le Quintilius et le Fontanes, que l’école des modernes novateurs n’a évité aucun de ses défauts. […] Il en faut (j’entends de l’impertinence) dans certains ouvrages, comme du poivre dans les ragoûts. » Ceci rentre tout à fait dans la manière originale et propre, dans l’entrain de ce grand jouteur, qui disait encore qu’un peu d’exagération est le mensonge des honnêtes gens. — A un certain endroit, dans le portrait de quelque hérétique, il avait lâché le mot polisson ; prenant lui-même les devants et courant après : « C’est un mot que j’ai mis là uniquement pour tenter votre goût, écrivait-il. Vous ne m’en avez rien dit ; cependant des personnes en qui je dois avoir confiance prétendent qu’il ne passera pas, et je le crois de même. » Mais, de ces mots-là, quelques-uns ont passé par manière d’essai, pour tenter notre goût aussi, à nous lecteurs français, lecteurs de Paris : nous voilà bien prévenus.
Tendance à l’universel ; goût de l’éloquence. — 2. […] Il ignore les Grecs, et méprise Pindare ; il est plutôt latin ; ou mieux il est tout français, et donne autorité à ceux des Latins qui lui offrent des modèles de son goût intime : aux orateurs tels que Tite-Live, aux moralistes tels que Sénèque, aux gens de savoir et d’esprit tels que Stace. […] Et voilà la raison de son goût pour la mythologie : elle est un répertoire d’images raisonnables, c’est-à-dire universellement intelligibles.
Ils l’essayèrent sans nul doute, par goût de la distinction et par amour de l’esprit. […] Il y a là, dans le langage précieux, une tendance que le goût italien alors à la mode fortifie, mais qui, du reste, est contraire à l’esprit général du siècle : car elle encourage la fantaisie individuelle. […] Mais elle était en réalité, elle fut pendant tout le siècle l’expression très fidèle de l’esprit qui prévalait dans la société polie ; et si l’on voulait se convaincre qu’il ne faut pas juger tout le siècle par ses grands écrivains, on n’aurait qu’à regarder comment ils furent toujours, par le nombre, une minorité, et, par le goût, une opposition dans l’Académie.
Il ne faut pas, pour nos goûts personnels, peut-être pour nos préjugés, nous mettre en travers de ce que fait notre temps. […] La religion est irrévocablement devenue une affaire de goût personnel. […] Supposons ce progrès obtenu (si c’est là une utopie pour la France, ce n’en est pas une pour l’Europe, où le goût de la liberté anglaise devient chaque jour dominant) ; nous n’aurions réellement pas grand’chose à regretter des faveurs que l’ancien régime avait pour l’esprit.
On a cru trouver des lumières sûres dans un écrit laissé par le fameux Boindin, procureur du roi, des trésoriers de France, ce censeur en titre de toutes les nouveautés de Paris, si bien peint dans le Temple du goût, sous le nom de Bardou, homme sans religion*, mais de mœurs rigides. […] Comment trois hommes, ajoute-t-on, de profession & de goûts différens, trois hommes qu’on sçait avoir été brouillés depuis, & qui ne se sont jamais rien reproché l’un à l’autre qui fut relatif aux couplets, auroient-ils projetté, exécuté, conduit une manœuvre infâme, aussi difficile & aussi réfléchie. […] Cela donna lieu à cette fameuse chanson, dans le goût de celles du pont-neuf dont le sujet fut mis en estampe, & laquelle fit tant de peine à Rousseau : Or, écoutez, petits & grands, L’histoire d’un ingrat enfant, Fils d’un cordonnier, honnête homme, Et vous allez entendre comme Le diable, pour punition, Le prit en sa possession.