Ou cela est-il de l’art, et plus ou moins aisé à réaliser, selon qu’on a plus ou moins de génie, de goût et d’habileté technique ? […] Peut-être Boileau, en parlant ainsi, n’a-t-il point cédé seulement à la délicatesse mondaine et au goût trop poli de son temps. […] Mais ces règles, il ne suffit pas de les apprendre pour les appliquer : c’est ici qu’il faut surtout le génie et le goût naturels. […] Cette société s’était fait un art conforme à son esprit : peinture, sculpture, architecture, jardins même, mobiliers et costumes, tout respirait le même goût de noble élégance et de sévérité pompeuse. […] Boileau, qui faisait la théorie de leur génie, estimait aussi la conciliation possible entre le goût du temps, qu’il jugeait légitime, et le vrai caractère des choses, qu’il ne consentait pas à dénaturer.
Le vrai moyen de juger M. de Voltaire est donc de se transporter dans l’avenir ; de se mettre à la place de nos Descendans ; de leur supposer des lumieres, du goût, de l’honnêteté ; & de prononcer ensuite, en tâchant d’être leur organe. […] Comment, après cela, la Raison & le Goût pourroient-ils avouer les acclamations prodiguées à ces tirades philosophiques, applaudies d'abord par la surprise de la nouveauté, aujourd'hui par habitude, & encore sont-elles abandonnées au peuple des Spectateurs ? […] Le Siecle de Louis XIV est écrit dans le même goût, & avec la même infidélité. […] Qu’opposent à tous ces tours d’adresse, à ce torrent d’approbation, les Gens de goût & les Hommes sages ? […] Mais l'ardeur excessive & l'impétueuse délicatesse de son amour-propre, ont été la cause de ses variations, de ses égaremens, de l'altération de ses idées, de ses goûts, & de ses sentimens.
Le goût des Romans de chevalerie se soutint & parut même s’accroître durant plusieurs siecles. […] Ce goût du merveilleux fut commun à presque toutes les nations ; toutes ont eu leurs Magiciens, leurs Devins, leurs Oracles. […] Il faut pourtant avouer que l’imagination brille dans presque tous ces ouvrages ; mais c’est presque toujours aux dépens de la vraisemblance & du goût. […] Le goût des Romans en forme de lettres ne tarda point à devenir général. […] Il n’en est comptable qu’envers le goût, qu’il faut toujours consulter, & à cette portion de jugement que l’imagination ne doit pas méconnoître.
Là, ce n’est plus la mémoire seulement, c’est l’intelligence, l’imagination et le goût qui entrent en jeu. […] Cependant l’encouragement de mes deux amis plus âgés que moi suffisait pour me confirmer dans le goût prématuré des vers. […] Il était entré tard, et après une vie répandue, dans l’ordre ; il avait voulu recueillir la maturité de sa vie et utiliser à l’instruction littéraire de la jeunesse ses talents et ses goûts, goûts et talents d’un lettré accompli. […] Son goût raffiné tenait un peu de la douce et exquise mollesse de son caractère. […] Le seul défaut littéraire de cet excellent homme tenait à ses qualités de cœur et d’esprit : il y avait un peu d’effémination dans son goût et de fleurs dans son style.
Selon Voltaire, Anne d’Autriche avait apporté à la cour de France une galanterie noble et fière qu’elle tenait du génie espagnol, et y avait joint les grâces, la douceur et une liberté décente qui n’était qu’en France : l’anecdote des férets d’aiguillettes en diamants qu’elle avait reçus du ici, et qu’elle donna presque aussitôt au duc de Buckingham, les vers où Voiture lui parle à découvert de son amour pour ce charmant Anglais et le plaisir qu’elle prit à les lire, le soin qu’elle mit à les garder, ces détails attestés par madame de Motteville annoncent dans la reine toute l’inconsidération d’un goût très vif, et sortent des bornes de cette galanterie noble et fière et de cette liberté décente que Voltaire lui attribue. […] « Pour vous dire le vrai, je n’ai point grand goût pour cet auteur25. » Le changement qui s’opéra dans le goût de Voiture me paraît remarquable comme témoignage de celui qui dominait à l’hôtel de Rambouillet, et me semble prouver que les principaux personnages de cette société, au lieu d’être des modèles de mauvais langage, contribuaient à corriger et à épurer les ridicules qui depuis L’Astrée s’étaient propagés parmi les beaux esprits.